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adversaires maîtres du gouvernement. Qu’ils voulussent à leur tour se servir de l’Université pour façonner à leur type les jeunes générations, tout ce qui va suivre le prouve, et par là s’éclairent les actes que nous avons analysés. Bien que la Congrégation soit au pouvoir, on ne songe pas à faire passer de l’Université à l’Église et aux corporations religieuses, toutes prêtes cependant et toujours clamant contre l’Université, le monopole de l’enseignement. C’eût été soustraire au pouvoir royal l’instruction nationale. On ne songe pas non plus à proclamer la liberté de l’enseignement, car la liberté ne se fractionne pas, et il eût fallu laisser les laïques, aussi bien que les prêtres et les religieux, libres d’ouvrir écoles, collèges et facultés. Le mieux sembla de maintenir les vieilles formes, mais d’en changer le contenu ; de reconnaître l’Université comme organe du pouvoir, mais par là même de l’avoir plus en main, de laisser subsister son monopole, mais de le confier autant que possible à des gens de l’Église qui seraient en même temps gens de l’État. Hypocrisie, perfidie, dira Manuel à la tribune de la Chambre des députés ; politique tout simplement, politique d’un parti qui ne veut rien abandonner du pouvoir qu’il détient et qui s’efforce d’adapter au service de ses idées une institution par laquelle ses adversaires espéraient les combattre. Le choix des hommes mis par le gouvernement à la tête de l’Université marque bien ses intentions et achève le sens de chacune des ordonnances plus haut rapportées : d’abord un politique, M. Laîné, ancien président de la Chambre introuvable ; après lui un politique encore, M. de Corbière, doublure de M. de Villèle ; après lui, comme premier Grand-Maître de l’Université royale, comme premier Ministre de l’instruction publique, un homme d’église, un évêque, M. de Frayssinous.

Voyons maintenant leurs actes, d’abord dans l’administration générale. Rien de plus significatif. Le document le plus important de cette période est l’ordonnance du 27 février 1821. Elle contenait d’abord une déclaration de principes : « Un corps enseignant, qui s’est trouvé par l’effet des circonstances hors d’état d’adopter des doctrines certaines, a besoin d’une surveillance forte et active,.. la jeunesse réclame une direction religieuse et monarchique. Le corps enseignant prendra donc pour bases de son enseignement : la religion, la monarchie, la légitimité et la charte. » — Napoléon avait dit : « La religion catholique, la dynastie napoléonienne et les idées libérales. » Mutatis mutandis, au fond, la formule était la même. Ce qui était nouveau et ce qui marquait bien les intentions du gouvernement, c’étaient deux mesures relatives, l’une à la surveillance des établissemens universitaires, l’autre à la formation des novices enseignans. Cette surveillance, « forte et active, » dont le