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attentifs, écrit-il au Ministre, et ont rendu compte de leurs leçons. » Au cours de littérature latine, on explique la Milonienne ; c’est une classe ; elle est suivie par soixante élèves, « presque tous élèves de rhétorique, qui viennent à la faculté après la classe du collège royal. » Mais dans l’autre groupe, au cours de littérature française, au cours d’histoire, c’est bien la faculté nouvelle, la petite Sorbonne ; auditoire nombreux, deux cents personnes, et fort mélangé : quelques élèves du collège, quelques étudians en droit, des officiers, des magistrats, des gens du monde, des membres des sociétés littéraires ; on n’explique pas, on n’a pas à répondre ; le professeur parle, et, à en juger par la rapidité vertigineuse de son enseignement, il parle sans rien approfondir. En cinq mois, il vient à bout de « l’histoire des juifs et de leurs révolutions, de Nabuchodonosor à Jésus-Christ, de l’histoire de Troie, de Sicyone, d’Argos et de Mycènes, de l’aristocratie de Corinthe et des lois de la Crète, des antiquités de Sparte, d’Athènes, de Thèbes, de Carthage, de Rome et de la Gaule ; enfin, de l’histoire du gouvernement représentatif chez les peuples anciens[1]. »

Tel était l’état de l’enseignement supérieur à la fin de la Restauration, sous le ministère Martignac. On pourrait s’arrêter là. Le ministère Polignac ne fut pas dur pour l’Université. Tout au plus lui fit-il une légère blessure d’amour-propre en réunissant en un même ministère, comme sous M. de Villèle, affaires ecclésiastiques et instruction publique. Il ne rapporta pas une seule des mesures prises par M. de Vatimesnil, mais il entendait s’en tenir là. Ainsi, le Ministre de l’instruction, publique, M. de Guernon-Ranville, ayant proposé au Conseil, pour décentraliser un peu l’enseignement et diminuer l’entassement des étudians à Paris, la création d’écoles secondaires de droit dans les départemens, il fut vivement combattu par ses collègues, pour qui « la multiplicité des écoles ne pouvait servir qu’à augmenter le nombre des étudians et jeter dans la carrière des emplois publics une foule de nouveaux aspirans. » — « J’y reviendrai, écrit M. de Guernon-Ranville quelques jours plus tard[2], je fais déjà une assez grande concession aux adversaires de la propagation de l’enseignement en ne donnant pas les trois facultés à chacune de nos vingt-six académies. » On sait pourquoi il n’y revint pas.


Louis LIARD.

  1. Rapport du Recteur de Toulouse, archives du Ministère de l’instruction publique.
  2. Journal d’un ministre (25 mai 1830).