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acceptable de négociation ; » ni l’une ni l’autre des deux nations n’ont voulu distinguer, dans les traités, entre les tarifs et les conventions qui règlent d’autres intérêts. L’une et l’autre au contraire se sont réservé comme une arme de représaille le droit de dénonciation et d’abrogation de la convention littéraire. Évidemment, le nouveau régime français est reçu en ennemi dans les deux pays et a provoqué particulièrement en Suisse une assez vive animation, un certain ressentiment dont le chef même de la confédération, M. Hauser, s’est fait l’interprète un peu rude, en témoignant quelque crainte pour la bonne harmonie entre les deux nations. Au demeurant, avec la Suisse comme avec la Belgique, pour ne pas tomber dans une guerre de tarifs, pour ne rien brusquer, on a fini par admettre un état de fait, sommaire, à tout instant révocable, dont l’unique mérite est de laisser le temps de recourir à quelque combinaison nouvelle. Avec l’Espagne enfin, si la rupture n’est pas complète, c’est au moins une quasi-rupture. On a négocié jusqu’au bout, jusqu’à la dernière heure, avec les meilleures intentions assurément ; on n’a pas pu arriver même à un arrangement comme celui qui existe avec la Suisse, avec la Belgique. C’est, depuis le 1er février, presque un état de guerre commerciale sur les Pyrénées. Voilà le fait ! Et qu’on le remarque bien : l’Espagne, la Suisse, la Belgique, ce sont les pays qui nous entourent, auxquels nous lient toutes les traditions de politique et d’intérêts. C’est avec ces nations voisines, amies nécessaires de la France, que nous sommes conduits à un provisoire de relations qui peut après tout être le prélude d’une rupture, avec ses suites, ses hasards et ses périls !

Comment sortir de là ? On n’en conviendra pas, on peut essayer encore de s’abuser sur cette situation qu’on a créée. S’il y a cependant une chose évidente, c’est que dans l’ardeur qu’on a déployée à la conquête du nouveau régime commercial, on a oublié qu’au-dessus des intérêts sérieux sans doute, mais partiels qu’on veut protéger, il y a l’intérêt général, supérieur de la nation. S’il y a une faute démontrée, c’est celle qu’on a commise en refusant avec une âpreté jalouse au gouvernement les moyens de sauvegarder cet intérêt général qu’il est toujours censé représenter, en l’enchaînant au tarif minimum, à cette espèce d’ultimatum d’un protectionnisme ombrageux. On peut suivre ces négociations dont le bulletin vient d’être publié, ces dépêches, ces conversations avec les représentans étrangers : tout le mal vient de ce que M. le ministre des affaires étrangères n’est pas libre dans sa diplomatie. Il se sent lié par le mandat impératif des passions protectionnistes, par ce tarif minimum dont personne ne veut. Il n’ose pas franchir la terrible limite et risquer sa responsabilité. C’est tout au plus s’il se croit autorisé à promettre timidement à la Suisse de recommander ses réclamations « à l’attention des chambres ; » encore se hâte-t-il d’ajouter que ce n’est pas un engagement. Il n’obtient rien,