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UN SÉJOUR À ATHÈNES.

port de Zéa ; de l’autre côté, l’Hymette allonge sa colossale silhouette. On voit que peu de villes d’eaux sont encadrées dans un pareil décor et illustrées par d’aussi beaux noms. Quand la lune apparaît au-dessus de l’Hymette, la rade s’argente de reflets mouvans, et réfléchit, dans ses claires profondeurs, l’assemblée des étoiles. La plage, éclairée par un cordon de lampes électriques, est occupée par de grands hôtels assez disgracieux. Tous les soirs, la société élégante dîne, en plein air, au bord de l’eau. On flirte, on bavarde, on médit passablement à Phalère. Les officiers font des effets de torse, de mollets, d’éperons et de sabre pour les Athéniennes, serrées dans des étuis d’étoffes claires ; et, vraiment, ils ont raison, car on ne saurait trop se donner de peine pour faire rire ces gracieux visages et ces yeux étincelans.

Kephissia est une retraite plus calme et moins mondaine. La joie de la mer manque à ce paysage assez agréable. C’est un coin de verdure, une oasis d’ombrages et d’eaux vives. On y a naturellement bâti un hôtel, symbole inévitable de la civilisation. Les gens pratiques, qui veulent avant tout du recueillement, de la tranquillité et de la discrétion, s’accommodent volontiers de ce séjour, propice aux escapades des Athéniens rangés.

Lorsqu’on revient, dans la nuit bleue, par le dernier tramway, qu’emplit un gazouillement de voix fraîches, on est tout surpris de trouver la ville encore éveillée. La place de la Constitution est encore couverte de tables à travers lesquelles circulent des garçons nonchalans. Les Athéniens sont des piliers de café, et cependant ils boivent peu. Ils laissent les Européens s’empiffrer, à la brasserie Hébé, de bière, d’œufs durs et de jambon. Si, par hasard, ils les imitent, c’est simplement par orgueil national, et ils se donnent des indigestions par amour-propre. Mais le plaisir suprême de ce peuple sobre, c’est de parler politique autour d’un verre d’eau, depuis neuf heures du soir jusqu’à trois heures du matin.

Cette vie en plein air, si conforme aux traditions de la république athénienne, dure jusqu’au jour où la brise fraîchit et où le vent du nord fait vaciller sur leurs tiges, parmi des rafales de poussière et les embruns de la mer méchante, les lampes électriques de Phalère. Au commencement de novembre, on est obligé de passer quelques heures par jour chez soi ; au mois de décembre, le temps est encore joli, égayé de soleil, avec tout juste assez de vent pour rappeler aux hommes qu’on est en hiver ; mais les soirées sont déjà froides, et l’on reste volontiers au coin de la cheminée où flambe un feu clair de bois d’olivier. Aux approches du mois de janvier, les gros nuages s’amoncellent sur les montagnes attristées. Les journaux annoncent que les grands personnages d’Athènes