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faite pour épouser un sujet[1]. A l’égard de la proposition d’alliance, le seul éclaircissement qui m’ait été donné sur son but a été qu’on exigeait de moi que je garantisse la sanction pragmatique dans toute son étendue. Or, ce n’est pas mon compte, et je ne crois pas que ce soit celui de votre cour, et il n’y a pas d’apparence que vous me le conseilliez. » — Revenant alors sur le jugement qu’il avait porté au sujet des conditions de paix, « quant à ce qui le touchait, il dit qu’il avait tout lieu d’en être satisfait, mais qu’on ne pouvait avec justice lui faire un crime d’avoir désiré pour la France de plus grands avantages, et d’avoir raisonné en ami sur cet événement ; qu’il savait qu’on l’avait accusé d’avoir tenu des propos tendant à faire croire que, non-seulement il improuvait la paix, mais qu’il eût désiré la continuation de la guerre. »

Valori l’ayant interrompu ici pour lui dire que ce n’était là que le langage de quelques critiques oisifs et ignorans, et que le ministre ne se prêtait pas à de tels soupçons : — « Je connais mes amis à votre cour, reprit-il, et je ne crois pas que M. de Puisieulx en soit. Peut-être apprendrez-vous, quand vous serez sur les lieux, ce qu’il faut pour vous convaincre que je suis bien informé… Mais pour peu qu’on réfléchisse à mes intérêts, on verra qu’ils sont d’être unis avec la France. J’en fais ma principale occupation ; mais rien n’est plus rebutant que ces méfiances : elles sont de la fabrique de la cour de Vienne… Soyez sûr que vos intérêts me sont chers et que vous me trouverez toujours prêt à les appuyer. Je crois vous en avoir donné une preuve en vous confiant les propositions de l’Angleterre pour une alliance avec moi… Je suis averti qu’on traite entre les cours d’Angleterre, de Vienne et de Russie et avec la Hollande… Ces différens objets ont beaucoup de part à la marche des Russes. Je suis au fait de bien des choses depuis quelque temps. C’est le ministère du Hanovre qui gouverne le roi d’Angleterre, et par là ce ministère a la plus grande influence sur le conseil de Londres. » — Là-dessus, il congédia Valori en le priant d’assurer le roi de France qu’il connaissait tout le prix de son amitié, qu’il n’aurait jamais un plus fidèle allié, ni un admirateur plus zélé, et qu’il désirait ardemment et de tout son cœur trouver les occasions de l’en convaincre[2].

  1. Je n’ai pas trouvé trace dans la correspondance anglaise de ce projet de mariage.
  2. .Conversation que le sieur marquis de Valori a eu l’honneur d’avoir avec sa majesté prussienne, le 15 août 1748, jour de son départ de Potsdam pour se rendre à la cour. (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.)