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empereurs, comme Constantin Porphyrogénète et Jean Cantacuzène ; des princes, comme Anne Comnène ou son époux Nicéphore Bryenne ; à côté d’eux on trouve de hauts dignitaires, des prélats, des juristes et des lettrés de profession.

Les chronographes, au contraire, écrivaient pour un public plus vaste et moins trié, spécialement pour la nombreuse population qui remplissait les couvens. Dans leurs compilations ils se préoccupent moins que les historiens, d’art, de style ou même de syntaxe ; ils sont plus modernes et plus populaires. Moines eux-mêmes, le plus souvent, les élémens de l’histoire ecclésiastique les attirent plus que les faits d’ordre temporel et les intéressent davantage.

Nous ne suivrons pas M. Krumbacher dans les autres parties de son livre, consacrées aux prosateurs. Il suffit de répéter, encore une fois, qu’il n’y a pas une branche du savoir humain à laquelle ces Byzantins, tant décriés, ne se soient appliqués. On les accuse de n’avoir fait faire à aucune d’elles un pas en avant. Il serait permis d’alléguer en leur faveur que leur mission n’était pas-de créer, mais de conserver. Toutefois, et en laissant de côté ce dont nous sommes redevables à leurs jurisconsultes, on ne peut pas soutenir qu’ils se soient toujours renfermés dans une routine conservatrice, excluant le mouvement et le progrès. La tentative de réforme religieuse entreprise par les iconoclastes échoua, il est vrai ; mais elle n’en reste pas moins importante comme un signe des temps. Elle n’aurait pas pu avoir lieu dans un milieu aussi dépourvu d’idées qu’on veut représenter le monde byzantin. Ne pourrait-on pas dire la même chose de presque toutes les disputes théologiques de cette période historique ? Il ne s’y agissait pas toujours de questions abstraites pour lesquelles on se serait passionné sans les comprendre. Sous les dogmes théologiques se cachaient souvent de grandes questions sociales. Les hérésies étaient, en quelque sorte, un dernier produit de la philosophie grecque. En les combattant, les conciles et les empereurs luttaient pour la stabilité de l’État autant que pour l’unité de l’Église. De même pour ces longues luttes qui ont précédé et suivi le grand schisme de Photius ; lorsqu’on viendra à les étudier sans parti-pris et sans préjugés, on y trouvera, croyons-nous, bien des analogies avec la réforme de l’Occident, et l’on sera porté à accorder à ceux qui y ont pris une part active des aspirations plus élevées et une capacité intellectuelle bien plus grande que celles qu’on a voulu, jusqu’à ce jour, leur reconnaître.

Puisque nous avons parlé de philosophie, n’est-ce pas encore un mérite de ces Byzantins d’avoir les premiers renouvelé l’étude de Platon ? — « Tandis qu’en Occident dominait l’autorité exclusive