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l’importance, mais aussi ce que l’on pourrait appeler leur tirage. Dans toutes les collections de l’Europe, et plus encore dans celles d’Orient, on trouverait une centaine peut-être de manuscrits de ce genre pour un manuscrit classique. La circulation des vies des saints et du roman religieux dépassait, dans les mêmes proportions que celles du roman de nos jours, la circulation des autres livres.


III

Quelques-uns des romanciers dont nous venons de parler ont versifié leurs récits ; il y a également des chroniques en vers ; Nonnos, l’auteur de l’immense poème des Dionysiaques, nous a laissé une paraphrase de l’Évangile selon saint Jean, en hexamètres ; on employait les vers même dans des traités scientifiques. On aimait à en faire pendant cette période, et la liste des Poètes profanes n’en devient que plus longue. M. Krumbacher les groupe sous cette rubrique pour les distinguer des poètes liturgiques, qui représentent, eux, la véritable poésie.

Il nous donne des notices détaillées sur vingt-deux de ces poètes profanes. Citons, parmi eux : George Pisidès, que ses contemporains comparaient à Euripide et qui ne mérite pas le dénigrement auquel cette comparaison l’a exposé depuis. Notre auteur lui reconnaît « de la simplicité dans ses conceptions et une grande correction dans ses beaux ïambes. » — L’empereur Léon le Philosophe a laissé, en dehors de ses écrits en prose, plusieurs pièces en vers, auxquelles M. Krumbacher accorde le maigre éloge « de ne pas manquer d’intérêt au point de vue de l’histoire littéraire et à celui de la langue. » Christophe de Milylène, « un des meilleurs poètes byzantins, a du goût et possède l’humour, qualité bien rare parmi ces lettrés. » — Théodore Prodrome, versificateur très fertile, a échappé à l’oubli grâce à quelques-unes de ses pièces familières qui, étant écrites en langue vulgaire, sont parmi les plus anciens monumens de la littérature populaire. — Manuel Philès, auteur de milliers de vers sur les sujets les plus divers, a eu la chance de trouver un éditeur dans la personne d’un savant helléniste français, feu M. E. Miller. Jean Tzetzès a donné lui-même le titre de Milliers Χιλιάδες (Chiliades) à une de ses nombreuses collections.

Ces poètes ont fait en vers ce que les historiens, leurs contemporains, faisaient en prose. S’attachant aux modèles classiques, ils tâchaient de s’en assimiler la forme, la seule chose qu’il leur était