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Affaires étrangères, complications diplomatiques, sont aussi bien de son ressort que les affaires intérieures. Trois patriotes de passage à Nice ont-ils été malmenés par des agens de recrutement qui veulent les enrôler de force dans les troupes du roi de Sardaigne, le club gourmande aussitôt le consul de France, lui reproche durement d’avoir manqué à son devoir en ne couvrant pas ses nationaux d’une suffisante protection. Le plus autoritaire des monarques, mécontent d’un de ses agens, oserait à peine lui adresser une aussi cruelle réprimande. Mais quoi ! le club est un souverain absolu qui a relégué l’urbanité au nombre des conventions hypocrites de l’ancien régime et qui s’en vante. « Le ton de liberté que notre missive respire vous étonnera peut-être ; mais, monsieur, les Amis de la constitution ne connaissent pas les ménagemens et la duplicité ci-devant appelée politesse[1]. » Un maître, en effet, est-il tenu à des formes courtoises lorsqu’il tance son valet ?

Autoritaire et despote, le club peut l’être impunément, car sa domination s’étaie sur un savant système d’intimidation qui fait trembler la ville entière devant lui. L’un des premiers et mieux qu’aucun autre en France, le club de Toulon a compris l’emploi de l’émeute, sa vertu toute-puissante et irrésistible. L’émeute est son instrument de règne. Il s’en sert pour prévenir toute insurrection contre sa monstrueuse tyrannie, pour paralyser d’avance, par la terreur seule qu’il inspire, tous ceux qu’il soupçonne d’être en secret impatiens de son joug. L’émeute est son art propre, l’objet favori de son étude ; il en possède à fond la théorie et, mieux

  1. Archives de Toulon. — (Correspondance du club ; lettre du 16 mai 1791, au consul de France à Nice) — Le club de Pontarlier décidait, à la même époque, l’abolition « de l’usage de se découvrir pour saluer son semblable » et recommandait à ses membres « d’éviter soigneusement, en parlant, de se servir des mots : J’ai l’honneur. » — (Taine, Révolution, II, p. 48.)