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et de Platon n’était plus qu’un désert. Ces exagérations réduites à leur juste valeur, il n’en demeure pas moins constant qu’Athènes perdit le peu qui lui restait encore de prospérité et de culture. À peine si, de loin en loin, la visite d’un souverain jetait sur la cité déchue une lueur éphémère. L’empereur Constance II y fit une apparition en 662-663, l’empereur Basile II en 1018 : ce fut le dernier représentant de l’empire d’Orient qui foula ce sol classique.

Cependant le sang athénien passait encore pour si noble qu’à deux reprises les empereurs d’Orient vinrent chercher au pied de l’Acropole des héritières pour le trône impérial. En 770, Irène, l’ambitieuse et criminelle Irène, fut choisie par Constantin Copronyme comme épouse de son fils, le futur Léon IV ; en 807, la nièce d’Irène, Athénienne comme elle, fut mariée avec Staurakios, l’héritier présomptif.

Il n’est pas impossible que dans ces siècles troublés quelques copistes aient végété au milieu des ruines, mais toute production littéraire nouvelle y avait à coup sûr depuis longtemps cessé. (Il nous faut aller jusqu’au XVe siècle pour trouver de nouveau, ne fût-ce qu’un simple chroniqueur ! ) Cela était surtout vrai de l’université, naguère encore si célèbre. Grégorovius a fait justice à ce sujet d’une légende accréditée jusqu’à nos jours ; il a démontré, pièces en main, que cette institution n’existait depuis longtemps plus que de nom, que ce que les chroniqueurs de l’Occident en rapportent (le gouvernement de la Géorgie aurait envoyé chaque année vingt jeunes gens à Athènes pour y faire leurs études ; des prélats, des médecins anglais, y auraient complété leur éducation, etc.) est une illusion à ajouter à tant d’autres. N’importe, cette tradition si répandue de la supériorité de l’école d’Athènes prouve combien le souvenir de l’antique splendeur de ce foyer par excellence des lettres et des sciences avait conservé de vivacité d’un bout à l’autre de l’Europe.

Dans le dernier tiers du XIIe siècle, l’arrivée d’un archevêque né en Phrygie et élevé à Byzance, Michel Akominatos, le frère aîné du célèbre historien byzantin Nicétas, et l’élève d’Eustathe, si elle ne rendit pas à l’Attique sa prospérité matérielle ou sa culture intellectuelle, jeta, du moins, quelque lustre sur une contrée si cruellement déchue. Pendant plus de trente ans, de 1175 environ à 1205, ce noble prélat présida aux destinées de l’église d’Athènes. Lorsqu’il fit son entrée, la population le reçut avec enthousiasme : des représentations théâtrales et même des danses signalèrent sa prise de possession. Et quelle merveilleuse résidence-épiscopale que l’Acropole, quelle cathédrale incomparable que le Parthénon ! Akominatos, ébloui, le qualifia de temple admirable