Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la cause de la liberté. Nous sommes prêts à faire tout ce qui sera en notre pouvoir pour remplir ton vœu à l’égard d’Olivier Marat et à te donner cette preuve de notre dévoûment et de notre patriotisme. — Mais, — et c’est ici que commence la malice, — pour y réussir, citoyen ministre, il est nécessaire que tu nous appuies auprès de la Convention nationale. Nous t’adressâmes vers la fin de frimaire le devis des dépenses qu’exige la nouvelle organisation de l’établissement pour 1794… et cependant rien n’a encore été statué sur le devis en question. Les fonds pour l’année courante ne sont point encore décrétés, de sorte que l’établissement est sur le point d’en manquer dans un moment où il en a le besoin le plus urgent… Toutes ces circonstances nous mettent pour l’instant dans l’impossibilité de suivre le vœu si ardent de notre cœur à l’égard d’Olivier Marat, et de lui procurer la place que tu nous demandes parce que nous n’avons aucuns fonds dont nous soyons sûrs de pouvoir disposer. Mais si le devis pour l’année 1794 est agréé par la Convention nationale, alors Olivier Marat pourra avoir une place d’aide-naturaliste. Mais il est indispensable avant tout que les traitemens à accorder aux personnes qui rempliront lesdites places soient décrétés. En les obtenant de la Convention nationale, tu nous mettras en état de donner une preuve du patriotisme qui nous anime, en accordant au frère et à la belle-sœur de l’ami du peuple la place que tu réclames en leur faveur[1]. »

Le ministre de l’intérieur lut quelque peu embarrassé, mais il ne pouvait hésiter, et il dut plaider la cause du Muséum devant la commission d’instruction publique de la Convention nationale. En mettant en avant le nom du frère de l’ami du peuple et en invoquant les argumens que lui fournit l’arrivée inopinée de ce personnage dans la question, il obtint le vote des fonds demandés. On put alors organiser les salles et mettre en place les collections.

En même temps, les professeurs s’occupèrent de préparer un logement pour Olivier Marat et son épouse et de lui conférer un emploi quelconque dans cet établissement lorsque le 9 thermidor survint : Daubenton et ses collaborateurs n’avaient probablement pour l’ami du peuple qu’un enthousiasme et un amour de circonstance, que la fin de la Terreur devait singulièrement modérer ; aussi profitèrent-ils du changement de l’opinion publique pour ne pas donner à Olivier Marat ce qu’on leur avait demandé pour lui, et il est probable que le frère de l’ami du peuple, éconduit du Jardin des Plantes, continua à végéter à Genève en soufflant des

  1. Lettre du 23 ventôse an II. (Archives nationales F17-1131.)