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un nouvel élément à une question vivement discutée, à savoir si l’exécution de tant d’objets en bronze qui nous sont restés des temps très anciens, armures et parures, bas-reliefs assyriens, etc., a pu vraiment se passer du fer.

On avait commencé d’instituer un musée du Tibre à l’ancien jardin botanique du Transtévère ; on reprendra ce dessein d’un musée spécial quelque jour, avec des séries toujours plus nombreuses et plus complètes. Outre les menus objets, on a trouvé dans le lit du fleuve : les restes imposans d’un arc de triomphe élevé pendant le IVe siècle aux empereurs Valentinien et Valens à la tête d’un pont qui paraît avoir occupé l’emplacement du pont Sixte actuel ; un tremblement de terre l’aura précipité, — une belle statue de bronze, exposée aujourd’hui au nouveau musée des Thermes de Dioclétien, et puis des marbres, des inscriptions, des fragmens de bas-reliefs, toute une riche moisson, qu’une exploration expresse et spéciale aurait faite bien plus abondante encore.

Les berges du fleuve surtout contenaient de précieux débris. Le trésor artistique de Rome s’est accru, par exemple, d’un brillant joyau par la découverte d’une maison romaine située en avant de la Farnésine. Les deux rives étaient là encombrées depuis des siècles par des amas de limon sablonneux. Quelques désignations locales, sur la rive gauche, tout près du palais Farnèse, rappellent cet ancien fléau : il y a encore la via del polverone. Au côté droit, un éperon de la rive s’avançait et obstruait le cours. Quand on voulut le faire disparaître, on fut fort surpris de trouver, à peu de profondeur dans un sol tout pénétré des eaux qui tombent du Janicule, cette riante et élégante demeure de la première période impériale, dont les fragmens considérables figurent aujourd’hui au musée des Thermes. Les stucs des plafonds égalent en élégance ceux des célèbres tombeaux de la Voie latine, et les parois offrent une série de peintures d’un grand charme et d’un vif éclat[1]. L’artiste grec qui a inscrit sa signature, encore très lisible, sur ces pages brillantes, n’était pas un simple décorateur de l’école pompéienne ou de celle de Ludius ; les peintures de la maison de Livie à Prima Porta n’atteignent pas cette finesse ; celles du Palatin, dans leur forte majesté, conviennent à une demeure impériale, — et celles-ci à une belle villa de plaisance.

Les berges mêmes avaient été çà et là construites ou affermies avec des débris de marbres antiques. On y retrouva, précisément au pied du palais Farnèse, plus de deux cents fragmens du célèbre

  1. Un des pensionnaires de l’Académie de France à Rome, M. Chédanne, vient de les reproduire avec talent.