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collection de morceaux d’élite qu’on a presque oubliée, mais dont on devait, dont on peut encore se servir comme d’un noyau excellent. A l’École des beaux-arts, M. Guillaume avait, lui aussi, donné l’exemple. On voit, d’ailleurs, par le musée du Trocadéro, ce que nous saurions faire pour l’antiquité classique aussi bien que pour le moyen âge. Il ne faut pas plus de 20,000 francs de première dépense, avec un entretien de 3 à 4,000 francs par année, pour doter notre enseignement national de l’indispensable galerie qui lui manque à Paris comme dans les départemens[1].

Il importe de noter que la même période de vingt années qui a connu dans la seule province et dans la ville de Rome tant de découvertes nouvelles a été marquée en Orient, sur divers points du monde hellénique, par de merveilleuses surprises.

Schliemann, en cherchant Troie, a rencontré tout un monde de beaucoup antérieur à l’époque homérique ou troyenne ; il a répandu une lumière inattendue sur les plus profondes origines de l’art grec. Plus récemment, les fouilles pratiquées sur l’Acropole jusqu’au sol vierge ont rendu à la lumière ces premières pages de l’art hellénique encore intempérant, encore oriental, baigné de l’éclatante polychromie dont ces sculptures continuent d’exhaler le prestige[2]. Quelle étonnante révélation, après cela, que celle des fouilles de Pergame, en 1878 ! Toute une épopée sculptée ; toute une longue série de bas-reliefs figurant une Gigantomachie, avec une énergie de conception et d’exécution qu’on n’aurait pas soupçonnée à cette date : l’ensemble de monumens dont on retrouvait les ruines datait du règne d’Eumène II, roi de Pergame (195-175). On avait dû croire, sur la foi d’un mot de Pline l’Ancien, sans doute mal compris, ars cessavit, que l’art s’était amoindri après le temps des successeurs d’Alexandre ; et voilà qu’apparaissait subitement, avec ces débris magnifiques, toute une période de l’art grec, je dis toute une période, car on se convainquit, à la suite de cette découverte, que l’école de Pergame avait été puissante dès avant le règne d’Eumène II, sous le règne d’Attale Ier son prédécesseur. On savait par les textes qu’Attale avait fait aux Athéniens le riche présent d’un monument orné de nombreuses statues. Ce que d’habiles antiquaires avaient conjecturé se confirma, à savoir que ce monument d’Attale était destiné à célébrer le souvenir des défaites plus ou moins authentiques subies par les Gaulois envahisseurs en Orient et en Grèce même, et qu’un certain nombre de statues

  1. L’ouverture récente d’un crédit spécial en faveur de la faculté des lettres, à la Sorbonne, et un commencement d’exécution par les soins éclairés de M. Maxime Collignon, sont d’heureux indices d’un progrès assuré.
  2. Voir, dans la Revue du 15 février 1890, l’étude de M. Maxime Collignon.