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A Sancerre, en l’an 1548, les réformés chassèrent de leur ville le clergé séculier et les moines. On verra comment, en 1562, après avoir interdit le culte ancien dans leurs villes, les Sancerrois, commandés par le comte de Montgomery, s’emparèrent de Bourges, pillèrent les couvens et violèrent les tombeaux vénérés par la piété des fidèles, tels que ceux de Jeanne de France et de la duchesse de Valentinois. Un peu plus tard, ils s’emparèrent de La Charité. Charles IX envoya le maréchal Saint-André et des troupes sous ses ordres pour réduire le pays soulevé à la voix de réformateurs exaltés. On n’ignore pas qu’un acte dit de pacification précéda de neuf jours le massacre de la Saint-Barthélémy. Les catholiques de Bourges, en raison des atrocités commises dans leur ville et dans celle de La Charité par les calvinistes, n’obéirent que trop aux ordres du roi, bourreau de ses sujets. Le sang y coula avec abondance sous prétexte de représailles. Les réformés, enfermés dans les prisons de l’archevêché, furent massacrés ou jetés agonisans dans des fossés pleins d’eau. L’incendie consuma les maisons des victimes. A la nouvelle de ces atrocités, Sancerre se révolta une seconde fois, et ce ne fut qu’après un siège de huit mois, soutenu avec un admirable héroïsme par ses habitans, que se rendit la malheureuse ville ; on devine à quelles conditions.

Ce qui explique l’ardeur de la lutte religieuse dans le centre de la France, c’est le long séjour que Calvin fit à Bourges. Il fut un élève brillant de l’université ; converti aux idées de réforme religieuse, il commença à prêcher dans le Berry la nouvelle doctrine ; il séjourna au village d’Asnières, puis à Linières, dont le châtelain disait qu’il y avait plaisir à l’entendre, car il « disait du nouveau, » et également à Sancerre. Calvin ne quitta l’université qu’en 1532. Pour combattre l’hérésie toujours croissante, on eut l’idée déjouer des a mystères » sur le vieil amphithéâtre gallo-romain de Bourges, appelé les arènes ; mais rien n’y fit. Le spectacle répugnant d’hommes nus figurant les harpies, de diables armés de fourches dont ils frappaient les damnés, un cortège grotesque dans lequel trônait Proserpine, hâtèrent chez les esprits sérieux l’éloignement d’une église qui autorisait de telles bouffonneries. Quand les mystères, qui durèrent quarante jours, furent clos, le nombre des réformés, — et dans ce nombre, beaucoup de membres de l’université, — se trouva considérablement accru.

En 1539, Marguerite ordonna une mesure capitale pour la province, celle de résumer en un texte écrit les anciens usages ayant force de loi, mais après en avoir élagué ce qui ne s’accordait plus avec les nécessités du temps. Ces anciens usages, auxquels on s’était à peu près conformé jusque-là, s’appelaient la « Coutume du Berry. »