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farandole, — en promettant de revenir. Et tout cela parce qu’en ce temps de carême, quelques ecclésiastiques ont cru devoir aborder dans leurs sermons les questions du jour, le problème ouvrier, les systèmes socialistes !

Parlons franchement, simplement : si ce n’étaient ces violences contre la liberté de la chaire, on pourrait peut-être dire que le clergé s’est jeté depuis quelque temps avec un peu d’impétuosité et d’impatience dans ces controverses qui touchent aux questions brûlantes du jour et un peu à la politique. Que des ecclésiastiques, des religieux, comme c’est arrivé récemment à Toulouse, à Bordeaux ou à Paris, aillent dans des réunions publiques affronter des discussions orageuses, défendre leur foi, leurs opinions sur les affaires sociales, c’est déjà beaucoup ; c’est même peut-être trop pour leur habit, pour la dignité du sacerdoce. Dans le ministère de l’église, de la chaire, on ne voit pas bien la nécessité et même la convenance d’une mise en scène qui parait en faveur aujourd’hui, de ces appels au public, de ces programmes un peu tapageurs, — sans compter qu’il y a des ecclésiastiques qui ont plus de zèle que de tact et qui par leur langage semblent avoir un peu trop respiré l’air du siècle. Ils ont certainement le droit de commenter les encycliques, de dire le mot de l’Église sur les problèmes, sur les misères du temps ; ils feront toujours mieux d’éviter les polémiques. C’est possible : mais à quel titre les radicaux ont-ils la prétention de faire la police du temple, de troubler un prédicateur dans sa chaire, d’intervenir dans une cérémonie religieuse ? Qu’ont-ils à faire d’aller à l’église, au sermon ? Ils n’y vont, ils ne le cachent pas, que pour faire du bruit, pour troubler l’ordre du culte, — en quoi ils tombent tout simplement sous le coup du code pénal. Et qu’on ne parle pas de provocation de la part du prêtre : quelle provocation y a-t-il à parler dans une assemblée de fidèles, pour les fidèles, des bienfaits de la foi religieuse même dans les affaires sociales ? Au fond, toute cette recrudescence d’anticléricalisme a un but qui a été à peu près dévoilé dans un débat où Mgr d’Hulst, qui a succédé comme député à Mgr Freppel, a pris position entre les partis avec autant de netteté que d’art. La vérité est qu’on craint l’influence des dernières manifestations pontificales ; on craint la paix religieuse, l’entrée des catholiques dans la république ; on craint tout ! On ne serait pas fâché de raviver sans cesse et d’envenimer la querelle, — de provoquer au besoin par des désordres la clôture de quelques églises. Les radicaux sont dans leur rôle. Quel intérêt aurait le gouvernement à « e laisser compromettre dans cette campagne d’intolérance ? Quant à la république elle-même, elle n’a évidemment aucun avantage à être identifiée avec toutes los passions de secte, et on a pu le dire une fois de plus, si la république devait périr, ce n’est pas par les catholiques, c’est par les radicaux qu’elle aurait été tuée.