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Que Descartes, lui, n’ait rien emprunté à personne, nous sommes loin de le soutenir ; mais c’est toujours sur les détails que ses emprunts portent. Il est tellement épris de l’universel que, pour lui, les vérités isolées doivent leur principale valeur à leur rapport avec le tout, à leur place dans le système intégral. C’est ce qui fait qu’il croit retrouver son bien quand il fait entrer les idées d’autrui dans sa doctrine. Il est architecte en philosophie : pour construire une œuvre personnelle, il faut des pierres, du marbre même et de beau marbre ; mais tous ces matériaux n’ont leur valeur architecturale que par la manière dont ils sont disposés. « J’avoue, dit Descartes, que je suis né avec un esprit tel que le plus grand bonheur de l’étude consiste pour moi, non pas à entendre les raisons des autres, mais à les trouver moi-même. » Un livre tombait-il entre ses mains, il aimait à en regarder le titre, l’introduction, à voir aussi l’énoncé du problème, puis, le livre aussitôt refermé, à découvrir lui-même la démonstration. Un livre était donc pour lui un problème sur lequel il se plaisait à exercer sa propre méthode.