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moyenne de tous les pouvoirs particuliers ; chacun d’eux n’étant admis, bien entendu, à influer sur la moyenne qu’à raison de son importance, que dans la proportion même de son rôle dans l’existence du commun des hommes. Il est clair, comme on le faisait remarquer dans une étude sur le changement des prix depuis une douzaine d’années, qu’une baisse de moitié sur l’indigo ne compense pas une hausse d’un dixième sur le charbon de terre.

C’est la différence entre le pouvoir particulier de l’argent sur une certaine marchandise, et son pouvoir général sur l’ensemble des choses nécessaires, utiles ou simplement agréables à l’humanité, qui constitue ce qu’on appelle la hausse ou la baisse de chaque nature d’objets. Si, par exemple, le pouvoir général de l’argent a baissé de trois à un, depuis le règne d’Henri II et le commencement de celui de Charles IX (1551-1575) jusqu’à nos jours, tandis que son pouvoir sur le blé n’a baissé que d’un et demi à un, on peut dire que le blé a diminué de moitié, puisqu’il n’augmentait que de 50 pour 100 tandis que le prix de la vie triplait.

Cette expression même : « prix de la vie » n’est pas complètement exacte ; elle rend mal l’idée, beaucoup plus vaste, qui s’attache à ce mot : « pouvoir général de l’argent. » Elle tend à particulariser cette idée, à limiter un champ d’études qui doit embrasser le rapport entre les métaux précieux d’une part, et de l’autre la totalité des valeurs, à l’examen de certaines catégories de valeurs, celles par exemple des objets d’alimentation, d’habillement, d’ameublement, etc. De même que, si l’on a mis plusieurs liquides dans une cuve, pour en opérer la fusion intime, chaque portion de la mixture, si petite soit-elle, chaque goutte doit posséder, à dose égale, les mêmes élémens que l’ensemble du mélange ; ainsi, pour comparer deux kilogrammes d’argent que nous prenons à même la circulation monétaire, l’un en 1500, l’autre en 1892, et dont nous voulons savoir la puissance d’achat, il nous faut connaître non-seulement ce que l’un et l’autre nous donneront de pain, de viande, de culottes et de stères de bois, mais aussi ce qu’ils représentent de salaires ouvriers, d’appointemens et d’honoraires libéraux, de services rétribués, de propriété acquise ou louée, de chemin parcouru, suivant les systèmes de locomotion en usage, de « valeurs » en un mot, de « marchandises » ou de « richesses, » selon le terme générique que l’on préférera employer, pour désigner l’universalité des choses susceptibles d’être échangées et d’avoir un prix.

Car ces deux kilogrammes d’argent, que nous tenons en main, correspondent à toutes ces choses, à toutes ces recettes, à toutes ces dépenses ; et pour savoir ce qu’ils valent par rapport l’un à