Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le département de l’Hérault, avant les ravages du phylloxéra. Il ne paraît pas que le pouvoir de l’argent fût plus bas, dans son ensemble, à l’avènement de saint Louis, qu’il l’était à l’avènement de l’empereur Auguste ; et la terre se louait bien plus cher en Italie, sous les Césars, — près de 100 francs l’hectare, dit M. Fustel de Coulanges, — qu’en France sous les Valois.

Pour m’en tenir aux six siècles qui ont fait l’objet de mes travaux personnels, le pouvoir de l’argent n’a nullement suivi la marche constamment descendante que Leber, et après lui la plupart des écrivains ont admise. Quatre fois et demie plus fort que de nos jours, dans le premier quart du XIIIe siècle (1201-1225), il diminue graduellement à quatre jusqu’à Philippe le Bel, puis à trois et demi sous les derniers Capétiens, et en 1351-1375 à trois fois seulement ce qu’il est aujourd’hui. La vie était chère en France sous Charles le Sage, et les contemporains s’en inquiétaient. Un mémoire de 1367 s’occupe de l’abaissement de la valeur de l’argent et de l’élévation du prix des denrées. Cette hausse s’arrête subitement avant le début du XVe siècle, et l’affaissement des prix commence vers 1390, plus ou moins rapide selon les provinces et selon la nature des marchandises, pour aller toujours s’accentuant jusque vers 1475, où il atteint son maximum. Ce fut là l’époque du plus grand pouvoir commercial des métaux précieux. Avec 1 fr., on obtenait, de 1451 à 1500, deux fois plus de marchandises qu’on ne s’en fût procuré, avec la même somme, cent ans auparavant. Le pouvoir de l’argent avait monté, autrement dit, la vie avait baissé du tiers au quart de ce qu’elle coûte aujourd’hui, de 1375 à 1400 ; elle était devenue, en 1401-1450, quatre lois et demie, et en 1451-1500 six fois moins chère qu’à l’heure actuelle.

Jamais, depuis 1200, l’or et l’argent n’avaient été si recherchés, jamais les marchandises n’avaient été à si vil prix ; on était alors presque aussi riche avec 0 fr. 50 par jour qu’on l’est maintenant avec 3 francs. Le journalier l’était même davantage, puisque son salaire quotidien n’était descendu que de 0 fr. 90 à 0 fr. 60, tandis que l’hectolitre de froment tombait de 9 francs à 3 fr. 25 de 1375 à 1475. Cet état de choses dura peu ; dès le commencement du règne de Louis XII, en 1500, la hausse recommence sous l’influence de causes intérieures ; à partir de 1525, on s’aperçoit de la découverte de l’Amérique. Naturellement, l’Espagne et les possessions espagnoles en sont les premières affectées : les fonctionnaires des Pays-Bas reçoivent, dès 1527, des supplémens de traitemens « à cause de la cherté des vivres qui est à présent ; » les Francs-Comtois déplorent, en 1546, cette cherté « qui règne partout et principalement dans le comté de Bourgogne. »

Quand on lit les lettres de Pizarre et de ses compagnons au