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les Chinois ont, depuis la venue des Anglais, eu, en plus d’une occasion, une attitude singulière. Certains fonctionnaires anglais, qui n’avaient pas l’expérience de cette sorte d’administrés, y ont répondu par une sévérité maladroite. Mais les commissaires en chef ont adopté, et, autant qu’ils l’ont pu, maintenu une autre politique : ils ont feint de ne pas s’apercevoir de ces mauvaises dispositions. Loin de redouter la venue de ces hôtes incommodes, ils l’ont souhaitée, ils l’ont facilitée. L’un après l’autre, sir Charles Bernard, dans son discours de Jubilé, sir Ch. Crosthwaite, sir A. Mackensie lui-même, dans une réunion tenue à Bhamo, où les chefs des Chinois n’avaient pas daigné se rendre, ont dit à leur adresse les choses les plus flatteuses et leur ont fait les promesses les plus engageantes. La vallée de l’Iraouaddy, par quelques méfaits qu’ils y puissent débuter, leur est ouverte. Ils la descendront peu à peu : ils se feront ici mineurs, là agriculteurs. Sans doute ils seront, pendant plusieurs années, la cause de bien des ennuis et de beaucoup de désordres. Mais peu à peu, avec les communications plus faciles et la sécurité grandissante, leur immigration s’épurera ; les bons élémens élimineront les mauvais. Déjà, moyennant certaines concessions, des fonctionnaires mieux au fait de leurs façons, tels que M. Warry, ancien consul d’Angleterre en Chine, les ont, dans une certaine mesure, assagis et disciplinés. Dès à présent, on peut prévoir que les Chinois joueront en Birmanie un rôle considérable. Les filles de Heth, les coquettes Birmanes, ne dédaignent pas les galanteries de ces fins compères à la parole avisée et aux mains libérales. De cet heureux rapprochement peut sortir une race nouvelle qui fera l’éducation du peuple birman.

Avec la coopération de gens si habiles, l’avenir du pays est assuré. La Birmanie a les ressources naturelles et la main-d’œuvre ; il ne lui manquait plus que l’outillage d’exploitation : de bonnes lois économiques et des travaux publics bien conçus. Les Anglais, sauf une exception que je vais dire, ne faillirent pas à le lui donner.


III

Que le législateur ou le conquérant puisse, au moyen de lois et de réglementations, exercer sur la prospérité d’un pays une