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foncières de l’État. Des fonctionnaires de cette administration, et, sur une grande partie du territoire, des officiers du corps d’occupation, y procédèrent sans retard. Dès 1887, le major Hobday parcourut le district de Yaw, le colonel Woodthorpe, la vallée de Kubo, le capitaine Jackson et le major Harvey, les districts de Minbu, de Myingan, de Sagaing, etc. D’autres opéraient dans d’autres régions, si bien qu’à la fin de l’année 1888-1889 on avait déjà cadastré 20,500 milles carrés, moyennant la dépense peu considérable de 8,740 livres sterling. Depuis lors, les opérations ont continué avec un plein succès.

Or, ces terres ainsi cadastrées, le gouvernement anglais n’a jusqu’ici pris aucune mesure pour les faire mettre en valeur. Cela ne lui eût pas été très difficile. A la vérité, les indigènes ruinés par la guerre, et manquant de bravoure autant que de capitaux, n’étaient pas gens à aller s’installer dans une région déserte, exposée aux incursions et qui exige, avant de rien rapporter, d’assez longs travaux préparatoires. Mais ce que les indigènes ne pouvaient faire, les Européens le pouvaient, et surtout les Chinois, ces frères aînés de tous les peuples de l’Indo-Chine. Avec des Européens comme capitalistes, des Chinois comme entrepreneurs, des Birmans comme ouvriers, on pouvait fonder, sans autres frais que les Irais de police et de garde, des centres de culture, autour desquels des indigènes empruntés au Delta seraient bientôt venus se grouper. De cette opération assez simple et que l’appui moral du gouvernement aurait suffi à lancer, on aurait retiré des avantages considérables : on aurait peuplé les solitudes, dégagé le Delta qui souffre d’une pléthore de population, assuré l’ordre, augmenté la production et jeté les bases de la future richesse de la Haute-Birmanie. Au lieu de cela, on a concédé à certains fonctionnaires, d’abord à titre gracieux, mais bientôt, à cause du scandale, à titre onéreux, quelques terrains d’étendue médiocre, qui étaient, surtout à Mandalay, des terrains à bâtir ; à Bhamo, on a fait quelques adjudications, où l’on a vu la terre dépasser le prix de 5 roupies par yard carré. Mais, d’une manière générale, dans les campagnes et même dans les villes, le gouvernement n’a pas cherché, il s’est même refusé à vendre les terrains dont il est propriétaire.

C’est, au reste, la règle que déjà il avait adoptée en Basse-Birmanie. En Basse-Birmanie, il ne vend pas la terre, il la loue, et jamais pour un terme de plus de trente années. La raison en paraît être celle-ci : maître du domaine éminent, le gouvernement anglais veut se réserver la chance des plus-values éventuelles. Il sait, par l’expérience de ses autres colonies, la valeur prodigieuse que peut prendre le sol aussitôt que se développent l’agriculture et l’industrie ; et, ayant supporté seul les frais de la conquête et de