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sortie des écoles primaires, sans la rendre obligatoire quant à présent, mais en y attachant des avantages. Enfin, dans les écoles du tout premier degré, l’enseignement même serait donné en hollandais partout où ce serait l’idiome de la majorité à l’état de dialecte vulgaire.

Pour faciliter le succès de ces plans, une ligue spéciale a été fondée en 1890, le Taalbond, la Ligue du langage. Le clergé, un peu froid d’abord et en partie hostile, a fini par se rallier saut quelques exceptions. Comme toutes les notabilités du parti afrikandériste ont participé au Taalcongress, on peut augurer le triomphe prochain des vœux émis par cette réunion. Voilà donc, en résumé, une agitation qui a beaucoup produit et qui produira davantage ; elle part d’un fait naturel, la persistance d’un hollandais rustique, mais elle tend à la restauration du hollandais littéraire par des moyens artificiels : et ces moyens, dont l’effet sera de généraliser une langue bien constituée, apte à l’éducation, possédant une littérature, l’autonomie coloniale les lui fournit. Déjà on signale une augmentation des journaux publiés en langue hollandaise dans la colonie du Cap. Le Taalbond complète l’Afrikanderbond.

Que sortira-t-il de cette évolution ? Il ne faudrait pas se montrer trop affirmatif. Dans la colonie du Cap, telle que l’histoire l’a faite, — le hollandais n’aurait aucune chance de supplanter entièrement l’autre langue, même après la rupture du lien qui noue encore ce pays à l’Angleterre. Si le rêve afrikandériste d’un système d’États-Unis venait à se réaliser ; si des nécessités d’équilibre amenaient alors une nouvelle répartition des territoires et des gouvernemens ; si le Cap, trop étendu au regard des républiques voisines, se divisait en deux pays, chacun des deux pourrait avoir son idiome ; mais voilà bien des si. Actuellement le bilinguisme s’impose pour de plus fortes raisons que le simple fait d’une souveraineté britannique respectée par calcul d’intérêt. Néanmoins, dès maintenant, il semble difficile que le langage des boers et d’une bonne partie des gens de couleur n’obtienne pas au moins les privilèges de l’égalité. Au Canada, le français se maintient, mais sans pouvoir gagner beaucoup sur un continent de phonétique anglaise. Ici, la proximité d’États ayant le hollandais pour langue officielle favorise l’œuvre du Taalbond, et celle-ci renforce les positions du hollandais à côté. Il y a bien un danger, et c’est peut-être celui que les partisans du patois ont cru prévenir, en se défendant contre le hollandais classique. Qu’est-coque cette langue ? Une sorte de compromis entre l’allemand et l’anglais, mais elle se rapproche davantage de l’allemand. N’est-il pas à craindre qu’en devenant moins anglaise, la culture intellectuelle des futurs Afrikanders