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C’est là désormais la question pressante, impérieuse. Que la première préoccupation du gouvernement, qui après tout a la responsabilité de l’ordre, soit aujourd’hui de se mettre en défense, d’aller au plus pressé, rien, certes, de plus simple. Le gouvernement a sans nul doute pris ses mesures. Il comprend, dit-on, la nécessité de redoubler de vigilance, de réorganiser et de fortifier sa police, de ne plus reculer devant les devoirs d’une action préservatrice : soit ! Mais il est bien clair que cela ne suffit pas. Le moment est plus que jamais venu de choisir entre la politique qui depuis dix ans a laissé tout détruire, tout diffamer, qui, en se prêtant à une guerre imprévoyante contre les croyances religieuses, s’est désarmée elle-même devant les agitations révolutionnaires, et une politique résolue à rassembler toutes les forces sociales, à s’appuyer sur l’alliance de tous les sentimens libéraux et conservateurs. Qu’on se souvienne bien enfin que, si l’on veut éviter les réactions à outrance qui seraient la suite inévitable des crises d’anarchie, le seul moyen est de reprendre d’une main énergique la direction du pays, de rassurer et de garantir la France, menacée aujourd’hui dans sa paix intérieure et dans sa dignité devant le monde.

La politique de nos jours, qu’elle reste circonscrite dans les affaires intérieures, qu’elle s’étende à tous les intérêts extérieurs, a certainement de singulières complications. Elle est compliquée dans tous les pays, et nulle part, pas plus à Rome qu’à Bruxelles ou même à Berlin et à Vienne, il n’est facile à des ministères de vivre, de faire face aux difficultés qu’ils rencontrent souvent en eux-mêmes, dans leurs conflits intimes, plus souvent encore dans leurs parlemens, presque toujours dans une situation poussée à bout. Non, vraiment, de nos jours les ministères n’ont pas la vie commode dans notre monde européen. Le cabinet prussien est encore mal remis des récentes oscillations de la politique impériale dans l’affaire de la loi scolaire et ne sait plus trop à quelle majorité parlementaire se vouer. Le cabinet belge reste plus que jamais aux prises avec cette terrible question de la révision constitutionnelle qui divise toutes les opinions, et partout aussi à la politique se mêlent les mouvemens anarchistes. Que s’est-il passé d’un autre côté à Rome, qui ait pu déterminer cette récente crise ministérielle, née à l’improviste, prolongée à travers toutes sortes de péripéties obscures et dénouée par un replâtrage aussi inexpliqué que tout le reste ?

Cette crise italienne, elle est assurément curieuse. Rien ne semblait l’annoncer jusqu’au moment où les chambres se sont séparées pour leurs vacances de Pâques. Le ministère de M. di Rudini venait de traverser victorieusement la session d’hiver ; il avait tenu tête à tous les petits orages parlementaires, à toutes les interpellations ; il avait trouvé une majorité complaisante pour la plupart de ses propositions.