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organes encore en formation, modifier les tempéramens et la santé et préparer pour l’avenir des chevaux pour ainsi dire inusables si l’on sait attendre leur complet développement avant de les astreindre à un travail pénible. Ce dernier point est essentiel. Or, rien de cela n’est pratiqué, bien plus, ne peut être pratiqué avec l’organisation actuelle de l’élevage et des courses. Nous posons comme une vérité qui ne sera contredite, croyons-nous, par aucun zoologiste, aucun vétérinaire, bien que la plupart des sportsmen ne veuillent point l’admettre, qu’il est impossible de juger exactement la qualité d’un cheval de trois ans. Or les courses ne nous montrent que des chevaux de deux et de trois ans, et c’est parmi ces chevaux que sont choisis les étalons. On voit que ce n’est que par hasard qu’on peut distinguer dans le nombre quelques animaux de mérite et qu’il est avant tout nécessaire de faire des réformes importantes dans la réglementation des courses si l’on veut qu’elles atteignent le but pour lequel elles ont été créées et qui est leur seule raison d’être aux yeux des hommes sérieux. En voulant porter un jugement sur des chevaux trop jeunes et en leur imposant trop tôt un travail au-dessus de leurs forces, on rejette constamment comme mauvais des animaux qui seraient plus tard devenus bien supérieurs, si l’on avait su les ménager, à ceux qu’on acclame pour leurs victoires sur les hippodromes. La nature a voulu que la croissance du cheval ne fût pas accomplie avant l’âge de cinq ans. En vain a-t-on essayé d’avancer l’époque fixée par elle : l’ossature ne peut être formée, les organes avoir atteint leur complet développement et tous les tissus une force de résistance suffisante pour le travail avant même que la seconde dentition soit normalement achevée. A maintes reprises, les hippologues de France et d’Angleterre l’ont proclamé. Jusqu’ici la passion aveugle du jeu a été la plus forte. Mais une révolution s’impose. Attendrons-nous encore que les Anglais tirent les premiers quand nous pourrions prendre l’avance sur eux par de sages règlemens ? Il est d’ailleurs d’observation constante que les êtres les plus lents à se former sont aussi ceux qui vivent le plus longtemps, qui, par conséquent, lorsqu’il s’agit d’animaux domestiques, peuvent rendre les plus durables et les plus profitables services. Si donc il était possible, ce que rien jusqu’ici ne permet de supposer, de créer une race de chevaux plus précoces que les autres, ces chevaux ne seraient pas ceux qu’il faudrait préférer pour l’amélioration des races utiles. Reconnaissons l’erreur qui a été commise, et, en laissant aux chevaux de pur-sang le temps de se développer, en les soumettant à des épreuves plus judicieusement dirigées, en choisissant parmi eux, comme reproducteurs, ceux qui ont vraiment le plus de mérite, nous verrons bientôt de la source encore vive,