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nombre de communautés indépendantes que leurs intérêts particuliers tendent à isoler plutôt qu’à rapprocher les unes des autres, demande certainement pour celui qui l’entreprend et la mène à bonne fin autant de génie que celle de détruire par exemple, par des guerres brillantes, les résultats des travaux séculaires d’une nation. Or c’est à la tâche de consolider en une puissance homogène les colonies que des conditions économiques, et par suite des intérêts commerciaux différens séparent depuis le début de leur existence parlementaire, que sir Henri Parkes a consacré les dernières années de sa carrière. Il vise à la création, sous le drapeau de la Croix du Sud et l’égide de la Grande-Bretagne, d’une plus grande Bretagne australe, où se perpétueraient à jamais, dans un autre hémisphère, les formes, les idées et les aspirations d’une démocratie d’origine essentiellement britannique.

Les colonies australiennes, malgré leur immense étendue, leur richesse actuelle et leurs vastes ressources, ne sont encore connues que comme les dépendances d’une des grandes puissances de l’Europe aux destinées de laquelle elles paraissent absolument liées. Bien qu’infiniment plus vastes que la mère patrie, leur importance politique est en raison inverse de leur étendue, et par suite de la faible densité de leurs populations respectives et surtout de leur manque de cohésion, elles parviennent à peine à attirer l’attention des hommes politiques de la métropole elle-même, car beaucoup d’entre eux montrent dans les débats du parlement britannique une grande ignorance de la situation politique et économique de leur empire austral. A l’étranger, à plus forte raison, a-t-on peine à comprendre l’organisation et la constitution de ces communautés que l’on confond fréquemment les unes avec les autres. Aussi peut-on difficilement déterminer les causes qui ont amené des divisions si marquées, dans le système fiscal, par exemple, entre des provinces colonisées par la même race, dans un pays d’une homogénéité géographique si parfaite que, faute de lignes de démarcation naturelle suffisamment accentuées, il a fallu, pour séparer les différentes colonies, adopter des bornes artificielles passant par des lignes méridiennes et des parallèles imaginaires. La nécessité de réunir ces communautés éparpillées sur le sol australien et les dépendances insulaires du continent, divisées entre elles par des raisons que nous examinerons tout à l’heure, ne pouvait manquer de frapper les hommes politiques intelligens qui siègent dans les parlemens locaux. Au reste, l’idée n’était pas nouvelle, car à l’époque où Charles Wentworth, le fondateur de la constitution et le père du parlementarisme en Australie, préparait son premier projet de loi pour l’émancipation politique de la