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Nouvelle-Galles du Sud, il songeait déjà à la création d’une assemblée fédérale représentant les intérêts généraux des futures colonies, et exerçant un pouvoir législatif et exécutif sur l’Australie tout entière.

Depuis Wentworth, cette idée fut plus d’une fois le sujet des études ou des pensées de bien des membres des législatures coloniales, mais il ne s’en est trouvé aucun, en dehors du grand ministre de la Nouvelle-Galles du Sud, qui paraisse avoir réalisé au premier abord toute la grandeur de cette conception ; tous semblent avoir succombé à l’influence d’étroits intérêts locaux. Les représentans de certaines colonies hésitaient à sacrifier les principes de leur politique fiscale, d’autres, craignant la concurrence d’énergiques voisins, tremblaient à l’idée d’un gouvernement fédéral dont le premier soin serait nécessairement de détruire les barrières factices érigées contre ces derniers. Aussi, le premier effort dans le sens de la fédération n’aboutit qu’à la création d’un conseil fédéral boiteux, sans autorité législative et sans pouvoir exécutif. Ce conseil, dont le premier ministre de la colonie de Victoria, M. James Service, était la principale figure, se réunit pour la première fois dans la capitale de la Tasmanie en 1883. Dès cette première réunion, la faiblesse inhérente de sa constitution se fit sentir et les décisions qui y furent prises n’aboutirent à rien de pratique ; le conseil fédéral ne possédant d’autre droit que celui d’émettre des vœux sur certaines questions d’importance générale que les parlemens des différentes colonies pouvaient ensuite accepter ou refuser de débattre, voire même de prendre en considération. À ce conseil, la Nouvelle-Galles du Sud, dans la personne de sir Henri Parkes, refusa de prendre part. Il avait rêvé, lui, quelque chose de bien différent, une véritable fédération sur des bases à la fois plus larges et plus solides. Quel pouvait être le rôle politique d’un corps composé de représentans nommés par le pouvoir exécutif seul, sans l’assentiment des législatures locales et dont la constitution limitait les pouvoirs au point de le réduire à l’état d’une assemblée purement consultative ? Depuis son entrée dans les arènes politiques, sir Henri Parkes s’était déclaré l’apôtre d’un système de gouvernement établi sur le principe fondamental du suffrage électoral ; la doctrine d’un exécutif élu par les représentans autorisés de la nation l’avait toujours compté parmi ses plus ardens disciples, et il ne pouvait concevoir la possibilité d’une fédération dont la constitution fût édifiée sur des principes différens de ceux qui forment la base du système parlementaire dans les États appelés à en faire partie. Or le mode de nomination des membres du conseil fédéral était diamétralement opposé à l’esprit de la constitution ; par ce fait seul, il devenait dangereux, sinon impossible, de