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concédés. De cette façon, le gouvernement attirait dans la colonie non-seulement des émigrans sérieux et intéressés au progrès du pays, mais aussi des capitaux importans. Il donnait le terrain pour rien, mais il s’assurait d’avance que le concessionnaire possédait l’argent nécessaire pour le mettre en valeur. Il ne manquait à ce dernier qu’une seule chose, la main-d’œuvre. Le gouvernement en avait à n’en savoir que faire, et les prisons de la métropole étaient là pour en fournir autant qu’il en faudrait au besoin. L’administration pénitentiaire, composée de personnes dénuées des connaissances pratiques les plus élémentaires, n’avait pu en tirer aucun parti, sans doute, mais, entre les mains d’entrepreneurs privés, l’éducation technique et agricole des convicts serait une affaire de peu de temps et de moins de patience encore : le fouet était là pour suppléer à l’absence de cette vertu. Le terrible code pénal qui condamnait à la peine de mort pour le vol d’un mouton ou d’une tête de bétail, à celle du fouet pour la moindre infraction à une discipline de fer, et à celle de la corde pour le plus léger signe de révolte, devint le corollaire essentiel du système d’assignation des convicts aux concessionnaires de la couronne. Ces derniers, isolés sur leurs immenses concessions, obligés d’obtenir des résultats économiques avec une main-d’œuvre dont il fallait en quelque sorte faire l’éducation pratique, se trouvaient dans une position trop difficile et trop dangereuse pour faire du sentiment, en considérant les moyens à employer pour faciliter leur tâche, du succès de laquelle dépendaient le progrès et l’intérêt matériel général de la colonie. L’opération commerciale était trop belle pour que l’on s’arrêtât longtemps aux bagatelles de la porte. C’était un bénéfice trop clair pour le budget métropolitain, car, d’une part, les irais d’entretien des condamnés passaient à la charge individuelle des colons, et le système permettait, en outre, de réduire considérablement le nombre des agens préposés à la garde et à l’administration des transportés. Lorsqu’on 1838 la cessation de la transportation fut décidée et décrétée par suite de l’abolition préalable du système d’assignation des convicts aux concessionnaires libres, le budget de la métropole eut de nouveau à supporter les frais de ce service. Le maintien de la transportation devenait donc une question de finance. Or, il était évidemment bien plus économique de garder les forçats en Angleterre que de les envoyer à la Nouvelle-Galles du Sud, où le coût de leur entretien, sans compter les frais de voyage et d’administration, s’élevait à un chiffre double de ce qu’il était en Angleterre. Quelques années plus tard, en 1869, le gouvernement libéral et philanthropique de M. Gladstone, sur la demande des squatters et de cette classe privilégiée, qui