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plafond d’hôtel particulier, à faire jouer les dieux Dans l’Olympe, ne s’est point mis en quête d’innovations hasardeuses. Avec l’habileté spirituelle qu’on lui connaît, et qui ne l’abandonne jamais, en ses grandes non plus qu’en ses petites besognes, M. Flameng a très vivement campé tous ses dieux et déesses sur le bord de sa corniche, assis ou debout, en des attitudes appropriées ; quelques-uns, comme Apollon et Diane, les dieux actifs, s’élancent vers le zénith central vide et tout rempli de lumière. La clarté aimable de l’exécution rendra l’intelligence de cette grande apothéose facile et agréable aux yeux du spectateur ; il n’y manque, à notre gré, qu’un peu plus de vivacité, de gaîté ou de fraîcheur dans le coloris ; le pinceau de M. François Flameng n’a pas toujours la même verve que son crayon. On peut voir, à quelques pas de ce plafond, une preuve plus singulière de l’aisance avec laquelle se meut le dilettantisme affiné de M. François Flameng en toutes sortes de sujets, dans le sacré comme dans le profane. Son triptyque, le Repos en Égypte, est un amalgame des élémens les plus hétérogènes. Au fond, éclairées par le soleil couchant, les tours et les murailles d’une ville du Languedoc, un grand et beau paysage traité suivant les meilleurs principes de l’école du plein air ; dans le panneau central, une Marie délicate, appuyée contre un tronc d’arbre, rêveuse, le menton sur la main, drapée dans sa tunique blanche comme une Grecque de Tanagra, tandis que, bon père nourricier de la banlieue parisienne, saint Joseph, assis sur les bagages, berce entre ses bras le bambino, près de l’âne gris qui mâche les hautes herbes ; dans les deux volets, sur la prairie qui borde la rivière, des groupes d’anges musiciens, aux cheveux bouclés, aux robes claires constellées d’or, habillés des mains de fra Angelico, Van Eyck et Dürer. La belle expansion de lumière attendrie dans laquelle l’artiste a su également envelopper toutes ces figures d’origine et de date si diverses suffit à les poétiser et à les apparenter ; nous ne sommes presque pas surpris de les trouver réunies et nous nous laissons aller au plaisir d’admirer la grâce de plusieurs d’entre elles.

La plupart des jeunes artistes qui cherchent, comme M. Flameng, à rajeunir des sujets légendaires dont l’intérêt semble inépuisable parce qu’ils répondent à des aspirations constantes de l’imagination ou de la sensibilité humaine, espèrent évidemment, comme lui, trouver ce rajeunissement en grande partie dans une intervention plus variée et plus subtile de la lumière. Il y a déjà plusieurs années que nous suivons ce mouvement, et c’est là qu’on remarque encore l’influence toujours croissante de l’école paysagiste, influence si légitime et si féconde, à la condition qu’on ne l’accepte pas sans réflexion et sans contrôle, car, sous prétexte d’acquérir plus de