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leurs qualités personnelles, marchent dans la même voie que MM. Français, Harpignies, Lansyer, c’est-à-dire étudient la nature avec la même attention et l’analysent par les mêmes moyens, nous présentent, en général, des œuvres bien pondérées, d’un aspect parfois un peu terne, mais toujours harmonieuses, bien tenues, intéressantes par la consciencieuse étude des dessous. Tels sont, par exemple, MM. Le Liepvre, Boudot, Tanzin, Choquet, Carlos Lefebvre, et, avant eux, M. Camille Bernier avec ses Pins de Kerlagadic. D’autres artistes connus reparaissent, cette année, avec des œuvres excellentes, dans lesquelles leur talent mûri s’affirme avec plus de liberté que jamais, par exemple, M. Guillemet, avec sa Seine à Conflans-Charenton, d’une exécution chaleureuse et ferme, et M. Yon, avec son Ruisseau de Dannes, une des impressions les plus printanières et les plus fraîches qu’il ait jamais peintes, M. Busson, avec son joli Automne, et le regretté Pelouse, avec une de ses études les plus solides, les plus puissantes, les plus fortes, Avanne, près Besançon, ouvrage supérieur, selon nous, à la plupart des toiles plus brillantes et plus décoratives qui ont fait sa réputation.

Quelques autres noms sont encore à retenir : parmi les paysagistes de terre ferme, ceux de MM. Zuber, Gosselin, P. Vauthier, Guéry, Isenbart, Péraire, Berton, Didier-Pouget, Schmitt, etc. ; parmi les mariniers, celui de M. Broutelles (une Tempête) ; parmi les animaliers, fort nombreux, M. Vayson (une grande composition très ensoleillée, le Chemin du marché en Vaucluse, ami des longs troupeaux ; MM. Marais, Barillot, Pezant, amis des bœufs ; MM. Hermann-Léon et George Busson, amis des chiens et des chasseurs ; parmi les peintres de nature morte, les frères Bail (Jean et Joseph), tous deux excellens praticiens et joignant, au besoin, à leurs cuivres éclatans des figures solides, (La Fontaine, le Pain béni), MM. Bergeret, Fouace, Thurner, Thomas, etc. ; parmi les fleuristes, MM. Quost, Grivolas, Bourgogne, etc. Tous sont de bons peintres exécutant avec fermeté le morceau et quelquefois composant bien un ensemble. Tous sont des artistes francs, bien portans, que l’on voit laborieux, que l’on sent consciencieux. C’est sur tout ce petit monde d’ouvriers convaincus et modestes qu’il faut peut-être compter pour nous tenir les yeux en joie et santé, durant l’épidémie passagère de chlorose et d’anémie qui sévit autour d’eux, comme pour ramener devant la bonne et accueillante nature, mère trop oubliée, en plein air, en plein soleil, le groupe languissant de leurs confrères fin de siècle, victimes parisiennes du bavardage, de la présomption et de la vanité.


GEORGE LAFENESTRE.