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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Reprise de Froufrou, pièce en 4 actes, de MM. Meilhac et Halévy.

Froufrou date d’une époque déjà lointaine, où les jeunes femmes ne commettaient qu’une faute, dont elles mouraient. Aujourd’hui, elles en commettent plusieurs et n’en meurent plus. Quelquefois même elles en vivent. Par là seulement la pièce de MM. Meilhac et Halévy a peut-être un peu vieilli. Mais elle n’a pas d’autres rides. On a suivi avec autant de plaisir qu’il y a vingt ans cette action très vraie, très attachante et conduite avec une rare dextérité. Les thèses hardies, les problèmes ardus peuvent avoir leur intérêt ; de plus simples histoires ont aussi le leur, et c’est vraiment une jolie histoire que celle de Gilberte de Sartorys.

Une jolie histoire et joliment contée : avec aisance, naturel, sur le ton de l’observation légère, ce qui ne veut pas dire superficielle, de l’indulgence sans faiblesse et de la mélancolie sans colère ni cruauté. J’apprécie fort en Froufrou cette discrétion, cette modestie de la morale ou de la moralité. Il n’est pas déplaisant, aujourd’hui que tout se porte au comble, de retrouver une œuvre ainsi moyenne et tempérée, exempte d’exagération comme d’obscurité, une œuvre dont tout se comprend et dont rien ne choque.

Et puis la pièce est admirablement faite. Elle obéit jusque dans le détail à la plus délicate logique. Des personnages et des événemens, tous les ressorts ont été réglés et jouent avec une précision minutieuse. Le mécanisme est parfait et je défie qu’on prenne en défaut nulle part ni les faits, ni les gens, ni l’intrigue, ni les caractères. Le premier acte pose