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l’entraînement de la jeunesse, l’éducation factice dans une serre close et surchauffée. D’autre part, l’internat est, pour les entrepreneurs, moins onéreux que l’externat[1], et, dans toute maison, plus les pensionnaires sont nombreux, plus les frais généraux se réduisent ; ainsi, pour subsister en face des établissemens universitaires, il faut des internats et des internats très peuplés. A cela les établissemens ecclésiastiques se résignent volontiers ; même, ils y sont enclins ; ce sont les jésuites qui les premiers, sous l’ancienne monarchie, ont introduit les pensionnats très fermés et très remplis. Par essence, l’Église catholique est, comme l’État français, une institution romaine, encore plus exclusive et plus gouvernante, résolue à saisir, tenir, régir et régenter tout l’homme, et, au préalable, tout l’enfant, tête et cœur, opinions et impressions, afin d’imprimer en lui à demeure la forme définitive et salutaire qui est pour lui la première condition du salut. En conséquence, dans la cage ecclésiastique, la clôture est encore plus stricte que dans la cage laïque : si les barreaux y sont moins gros et moins rudes, le grillage, plus souple et plus fin, est plus enveloppant, plus serré et mieux entretenu ; on ne souffre pas qu’il s’y fasse des trous, ni que des mailles s’y relâchent ; contre les interventions du monde et de la famille, contre les écarts et les sursauts de l’initiative individuelle, les précautions sont innombrables et font un réseau double ou même triple. Car, à la discipline scolaire, s’ajoute la discipline religieuse, non moins imposée, aussi rigide et plus continue, exercices quotidiens de piété, pratiques ordinaires et cérémonies extraordinaires, direction spirituelle, influence du confessionnal, exemple et tenue de tout un personnel rallié autour de la même œuvre par la même foi. Plus un milieu est fermé, plus son action est forte : les chances sont pour que celle-ci soit décisive sur l’enfant séquestré, abrité, élevé sous cloche, pour que son intelligence, sa croyance et sa pensée, soigneusement cultivées, émondées et toujours dirigées, reproduisent exactement le modèle voulu. — C’est pourquoi, en 1876, sur les 46,000 élèves des 309 établissemens ecclésiastiques d’instruction secondaire, 33,000 étaient internes[2], et les autorités catholiques admettent que, dans les 86 petits séminaires, il ne faut point d’externes, point de futurs laïques. Pour les 23,000 élèves des petits séminaires et pour les

  1. Boissier (Revue des Deux Mondes, numéro du 15 août 1869, p. 919) : « Les lycées d’externes coûtent et les lycées d’internes rapportent. »
  2. Statistique de l’enseignement secondaire (40,816 élèves, dont 33,092 internes, et 13,724 externes). — L’abbé Bougaud, le Grand péril de l’Église de France, p. 135. — Moniteur du 14 mars 1865, Discours au sénat, par le cardinal de Bonnechose.