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obtenir et revenaient à la charge. Ce qu’ils voulaient, c’était l’autorisation de châtier directement un clergé insoumis, un clergé rebelle.

Dans les diocèses d’Agen et de Tarbes, aucune prière n’était dite pour le roi. Les évêques tardaient à envoyer les ordres. Les préfets prirent sur eux de retenir les mandats de traitemens des curés et des desservans. Les évêques déclarèrent que, jaloux de l’honneur de leurs prêtres, ils arrêtaient les lettres pastorales déjà sous presse, ne voulant pas les exposer au soupçon d’avoir changé une prière sous le coup d’une menace pécuniaire. Le ministre des cultes évita de trancher en principe la question. Il fit délivrer les mandats, et peu après, sur l’ordre des évêques, les prières étaient dites. Avec son esprit libéral et son respect du droit, le duc de Broglie entendait appliquer les lois en jurisconsulte.

C’est en légiste que son successeur, M. Mérilhou, était disposé à agir. Voyant dans la législation un arsenal d’où, avec quelque habileté, on pouvait tirer les armes de circonstance, il entra au ministère, convaincu qu’il pourrait tout obtenir du clergé en le prenant par la disette. Il chercha des textes : à défaut de textes, il demanda des précédens et ne découvrit que le décret de 1811 (17 novembre), autorisant, en cas d’absence, une retenue partielle. Il se trouva fort déçu et dut renoncer au coup d’éclat qu’attendaient si impatiemment les préfets.

M. Barthe arriva au ministère en janvier 1831 avec les mêmes illusions. Persuadé que MM. de Broglie et Mérilhou avaient été également faibles, qu’il suffisait de vouloir pour obliger les bureaux et faire céder le clergé, il donna des ordres d’autant plus précis que la situation s’aggravait : on venait de constater, dans le département d’Ille-et-Vilaine, la formation des premières bandes, prélude de celles qui devaient troubler l’ouest ; un mouvement venait d’éclater près de Vitré à l’occasion de la levée du contingent. Des propos séditieux étaient relevés contre un curé qui avait caché des réfractaires. M. Barthe ordonnait contre lui des poursuites et prononçait la suspension du traitement.

De toutes parts affluèrent les demandes des préfets. Pourquoi leur refuser ce qui avait été fait près de Vitré ? Par malheur, les émeutes de Paris réveillaient sur beaucoup de points et surexcitaient partout les passions antireligieuses. Les relations entre les évêques et les préfets étaient très difficiles.

En Anjou, l’hostilité des curés devenait de plus en plus vive ; ils s’étaient réunis pour se concerter. On comptait 227 paroisses où l’autorité royale était méconnue et les chants refusés. Le nombre des insoumis augmentait chaque jour, ainsi que le caractère séditieux des prônes par lesquels les curés annonçaient la suppression des prières. La Vendée, le Morbihan, le Finistère, la Mayenne