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glorification de la force corporelle universellement dédaignée. Les journaux ne trouvaient pas assez d’épigrammes et de caricatures pour les prix de gymnastique.

Amoros et ceux qui le suivirent eurent le tort d’insister trop sur la supériorité même des résultats de leur méthode d’éducation physique. La gymnastique telle qu’ils l’ont instituée, et telle que l’Université l’adopta, était présentée comme une série de procédés tendant à porter au maximum la force musculaire, l’adresse et l’agilité des enfans et des jeunes gens. Cette gymnastique devait doter les initiés de merveilleuses facultés physiques : elle allait les rendre capables de rivaliser avec les athlètes et les acrobates. L’accueil plus que froid fait pendant tant d’années par les familles à cette forme d’exercice a démontré une fois de plus la vérité du vieil adage : « Qui veut trop prouver ne prouve rien. » Comment les parens auraient-ils pu comprendre l’utilité d’un système qui semblait vouloir faire de leurs enfans les émules des gymnastes de cirque ? Que leur importait la recherche des qualités physiques dont il était question de les doter, quand les portes d’entrée des carrières de la vie étaient des examens ou des concours où les aptitudes corporelles ne comptaient pour rien !

Quand vinrent nos malheurs de la dernière guerre, une notion plus nette de la portée des exercices physiques tendit à pénétrer dans les masses. Notre gymnastique telle que l’Université l’avait adoptée contient beaucoup de mouvemens conçus dans un esprit militaire, des exercices « d’ordre, » des marches, des « formations. » Tous ces mouvemens, dits « d’ensemble, » s’exécutent sous le commandement d’un maître, et impliquent de la part du gymnaste une obéissance passive, une discipline rigoureuse. L’utilité de cette gymnastique parut évidente à tous les hommes animés de l’esprit patriotique, et une multitude de sociétés de gymnastique s’organisèrent en peu de temps. Il arriva même que l’esprit de patriotisme faillit compromettre la cause de l’éducation physique qu’il avait d’abord puissamment servie. L’attention se porta trop exclusivement sur le côté militaire de la gymnastique, et sa véritable portée fut un instant méconnue. D’importantes réformes avaient été appliquées pendant le passage de M. Duruy au ministère de l’instruction publique. Des études scientifiques sérieuses sur la question des exercices du corps avaient été poursuivies par les docteurs Bouvier et Hillairet, et une Commission centrale de gymnastique instituée pour étudier toutes les questions du ressort de l’éducation physique avait été déclarée permanente. Mais Paul Bert, à son passage au ministère, crut devoir supprimer cette commission et la remplaça par un comité d’Éducation civique