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L’air atmosphérique est « riche » lorsqu’il renferme beaucoup d’oxygène, ce principe même de la vie. Or l’air renferme d’autant plus d’oxygène qu’il a été moins respiré. L’air d’une salle commune est moins riche en oxygène que celui des rues, celui des rues moins riche que celui des places publiques, et celui des places, enfin, moins riche que l’air de la campagne. C’est une vérité établie par l’analyse chimique. Mais il n’est point besoin de réactifs chimiques pour s’en assurer : notre poumon est un réactif plus sûr que tout autre. Qui n’a eu l’occasion de ressentir ce sentiment de bien-être avec lequel le poumon se dilate quand on passe d’un étroit réduit à l’air libre, et surtout quand on quitte la grande ville pour la rase campagne ? Ce sentiment de bien-être accompagné d’un accroissement des mouvemens respiratoires s’observe surtout dans les grands espaces, et particulièrement dans la montagne ou sur le bord de la mer. C’est que, là, l’air est particulièrement riche en oxygène et renferme, en outre, une autre substance appelée l’ozone, qui n’est que de l’oxygène condensé. On a discuté ces derniers temps la valeur de l’ozone comme médicament, et l’on a reconnu qu’il n’était pas sans inconvénient de faire respirer aux malades, ainsi qu’on l’a tenté, une grande quantité d’ozone pur. Mais la valeur hygiénique de l’air ozonisé, tel qu’il est dans les grands espaces, n’en reste pas moins établie. Il y a là une question de doses. L’ozone, que notre poumon reconnaît si bien dans l’air marin et dans l’air des montagnes et même dans l’air des grandes plaines, n’y est qu’à doses infinitésimales, et, dans ces proportions, il est extrêmement utile à la santé de l’homme, car il joue le rôle d’excitant de la respiration. Il augmente, en quelque sorte, notre appétit pour l’air et provoque une plus grande absorption d’oxygène. Il joue dans la respiration le rôle attribué dans la digestion aux condimens qui assaisonnent les mets et en relèvent le goût. Ces condimens, qui ne pourraient constituer par eux-mêmes une nourriture hygiénique, contribuent pourtant puissamment à la nutrition en aidant à l’assimilation des alimens. De même l’ozone aide à l’assimilation de l’air respiré, et l’air qui n’en renferme aucun atome est pareil à un repas mal assaisonné, que l’estomac accepte sans goût. C’est grâce à la richesse de l’air que la vie dans les grands espaces peut conserver une santé robuste à beaucoup d’hommes soumis, d’autre part, aux plus mauvaises conditions hygiéniques. Malgré la misère, l’excès de travail, l’alimentation insuffisante, on voit les montagnards et les habitans des côtes présenter une vigueur et une santé que leur envient les citadins accoutumés à la nourriture la plus succulente. C’est que l’air riche en oxygène n’est pas seulement un