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série respire les miasmes exhalés par tous les autres, et c’est toujours sur celui-là que se manifestent d’abord les effets de ces produits toxiques. Au bout de deux ou trois jours déjà, il présente des symptômes de malaise, puis bientôt la respiration s’embarrasse, la tête se renverse en arrière, les oreilles deviennent pendantes, l’œil terne, et l’animal meurt vers le douzième ou quinzième jour de l’expérience. Si on continue à observer les autres, on les voit présenter à tour de rôle les mêmes symptômes et mourir aussi, mais au bout d’un temps qui varie avec le rang qu’ils occupent dans la série, c’est-à-dire avec les nombre des lapins par les poumons desquels a déjà passé l’air qui arrive dans leur cage. Les accidens auxquels succombent les animaux dans cette expérience sont bien réellement dus à l’air vicié par la respiration des autres. Ce qui le prouve, c’est la survie du seul d’entre eux qui ait respiré de l’air pur. Pendant que ses congénères périssent ainsi à tour de rôle, le lapin de la première cage, où l’air arrive directement du dehors, continue à grignoter sa provende sans présenter le moindre trouble de la santé. Toutefois, pour se mettre à l’abri de toute cause d’erreur, et prouver que les accidens observés n’étaient pas dus aux émanations des matières fécales et des urines, mais seulement aux produits de la respiration, les expérimentateurs varient l’expérience de la façon suivante. Toutes les cages, sauf la dernière, sont débarrassées chaque jour par un nettoyage minutieux des déjections solides et liquides, mais on y laisse arriver librement les produits de respiration des cages voisines. La dernière cage, au contraire, n’est jamais nettoyée et on y laisse accumuler indéfiniment les déjections de l’animal ; mais, par un dispositif particulier, on filtre l’air qui y vient des cages voisines en lui faisant traverser un tube rempli de certaines substances chimiques qui fixent et arrêtent au passage la matière organique toxique exhalée par les poumons. Le résultat de cette sorte de contre-épreuve est tout à fait concluant. On voit survivre le seul animal qui soit resté exposé aux émanations de déjections fécales et urinaires pendant toute la durée de l’expérience, mais le seul aussi qu’on ait préservé de l’absorption des miasmes pulmonaires exhalés par ses voisins. On voit mourir, au contraire, tous les autres dont la cage a été soigneusement nettoyée de toute impureté solide ou liquide, mais où pénètre l’air déjà respiré par les animaux voisins, sans le débarrasser des produits de désassimilation organique qu’il contenait. Ce sont donc bien ces excrétions du poumon, ces ptomaïnes pulmonaires, comme les ont appelées les expérimentateurs dont nous citons le travail, qui ont le redoutable pouvoir d’occasionner les accidens observés. Quant à la nature de ces