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des enseignes donnait « notable matière » à plaisanteries. Ces équivoques restèrent familières à François Villon. Elles étaient dans le goût de son temps. À la même époque on écrivit une facétie en prose, le Mariage des IV fils Hemon, que l’on fiance à une autre enseigne, les Trois filles Dan Simon, Les Trois Pucelles, devant l’hôtel de Jean Truquan, devaient tenir compagnie aux épousées, et le Chevalier au Cygne de la rue des Lavandières les conduirait au moustier. On voyait sans doute, dans le roman de François Villon, un mariage tout pareil entre l’Ours de la Porte-Baudet et la Truie qui file des Halles, avec le Papegault pour amuser la mariée et le Cerf pour célébrer les noces. Ailleurs François Villon parlait peut-être des brocs de vin d’Aulnis que buvaient les écoliers à la Pomme-de-Pin, et des mauvais tours qu’ils firent rue Saint-Jacques, rue de la Juiverie et au Petit-Pont. Ce sont les Iragmens de tout cela que nous avons dans les Repues franches.

Villon prit-il lui-même une part active aux désordres de l’Université ? Rien ne le démontre, et il était plutôt de caractère à regarder faire. Quand il fut mêlé directement aux choses, il garda toujours, dans l’action, une mine d’attente. Puis les relations qu’il avait dans ce temps avec le prévôt de Paris lui auraient rendu difficile une opposition ouverte. Tout fait supposer, en effet, qu’il était reçu, en 1452, chez Ambroise de Loré, femme de Robert d’Estouteville, dans son hôtel de la rue de Jouy. C’était une charmante personne, affable et intelligente. Quand Robert d’Estouteville tomba en disgrâce, en 1460, Jehan Advin, conseiller au Parlement, fit une perquisition chez lui ; on fouilla les boîtes et les coffres ; « et fist plusieurs rudesses audit hostel, écrit l’auteur de la Chronique scandaleuse, à dame Ambroise de Loré, femme dudit d’Estouteville, qui estoit moult sage, noble et honneste dame. Dieu de ses exploicts le vueille pugnir, car il le a bien desservy ! » Le même chroniqueur, rapportant la mort d’ Ambroise de Loré, le 5 mai 1468, répète qu’elle était « noble dame, bonne et honneste, et en l’hostel de laquelle toutes nobles et honnestes personnes estoient honorablement receuës. » Il y avait peut-être des poètes qui étaient accueillis auprès d’ Ambroise de Loré. La fortune et la haute naissance de son mari permettent de le croire. Les œuvres d’Alain Chartier contiennent une complainte de quatorze huitains a présentée à Paris l’an 1452. » Les premières lettres de chaque huitain donnent le nom d’Ambroise de Loré. La complainte n’est pas d’Alain Chartier ; elle fut recueillie dans ses œuvres par erreur. Les poètes composaient donc des vers pour cette dame, qui les recevait. François Villon adressa aussi à Robert d’Estouteville