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c’est elle-même, au contraire, qui vient en aide à la physiologie et qui lui apporte ses propres explications, c’est cette méthode que M. Helmholtz emploie et défend dans son Optique physiologique[1] : — « Quelque opinion que l’on professe sur les actions psychiques et si difficile que puisse être leur explication, elles n’en possèdent pas moins une action réelle et leurs lois nous sont familières jusqu’à un certain point par les faits de l’expérience journalière. Quant à moi, je crois que c’est suivre une voie plus sûre que de rattacher l’explication des phénomènes de la vision à des faits, qui, sans doute, réclament eux-mêmes une explication, mais dont l’existence est hors de doute, — je veux parler des actions psychiques les plus simples, — que de la faire reposer sur des hypothèses relatives à une disposition anatomique, mais inconnue du système nerveux, hypothèses arbitraires, inventées ad hoc et qui ne reposent sur aucune espèce d’analogie. Aussi n’ai-je pas hésité à me servir d’explications fondées sur les actes psychiques ou plus simples de l’association des idées. » — L’optique physiologique d’Helmholtz n’est, en effet, qu’une extension du mode d’explication employée pour la première fois par Malebranche et Berkeley et qui ramène à des associations et à des malentendus les actes en apparence les plus simples de la vision.

La seconde objection de M. Ribot porte sur la méthode de la psychologie. Cette méthode est purement et simplement une méthode d’observation, non d’expérimentation ; elle ne connaît, suivant les distinctions établies par Stuart-Mill, que la méthode de concordance, tout au plus celle de différence, mais non celle des variations concomitantes. Cette objection n’est pas sans fondement. Il est très vrai que la psychologie objective fournira toujours plus de moyens à l’expérimentation que la psychologie subjective. Mais réciproquement, il est certain aussi que la psychologie objective contiendra toujours un élément d’infériorité qui ne permet pas de la rapprocher des autres sciences. C’est la difficulté de l’interprétation des faits. Dans toutes les sciences naturelles, en effet, ce sont les faits eux-mêmes qui tombent sous nos yeux. En psychologie objective, ce sont les signes des faits. Il reste toujours à savoir quels sont les faits réels, c’est-à-dire les faits intérieurs correspondant aux signes physiques, lesquels seuls tombent sous nos sens. Ainsi, quiconque a observé un petit enfant sait à quel point il est difficile de deviner ce qui se passe dans cette petite cervelle et quels sont les processus mentaux correspondant aux faits extérieurs. Il en est de même de l’état mental des animaux, de celui des fous, des

  1. Voir traduction française, p. 1000.