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somnambules, des aveugles nés, des sourds-muets, etc. Il y aura toujours là une difficulté fondamentale pour la psychologie objective. C’est encore là une raison considérable de ne pas sacrifier la psychologie subjective à la psychologie objective : car si la difficulté pour celle-ci est dans l’interprétation des faits, combien cette difficulté sera-t-elle augmentée si l’on se prive du concours de la science qui, seule, possède les principes de l’interprétation demandée !

En outre, sans méconnaître les droits de la psychologie physiologique et en lui laissant ouvert tout le champ qu’elle aspire à conquérir, toujours est-il que sur beaucoup de points il n’y aura de longtemps d’autre psychologie possible que la psychologie subjective. En un mot, la connaissance de ce qu’on appelle les concomitans physiques n’est possible que sur un petit nombre de faits touchant à la vie animale. Mais quel est le concomitant physique qui distingue l’induction et la déduction, le souvenir du passé et la prévision de l’avenir, l’idée du nombre et l’idée de durée, l’amour de soi et l’amour des autres ? quels sont les concomitans physiques qui accompagnent l’amour de la patrie, le sentiment esthétique ou religieux, l’idée du devoir ou l’idée du droit ? et pour tous ces faits, il n’y a pas d’autre méthode que la méthode psychologique proprement dite.

La distinction des deux espèces de psychologie n’est pas moins importante au point de vue de la psychologie objective qu’à celui de la psychologie subjective, c’est à la condition d’être séparée que la psychologie objective sera étudiée dans toute son extension au lieu d’être dispersée dans les divers chapitres de la psychologie subjective. Considérons, en effet, les différentes parties de la psychologie objective. On peut en distinguer trois principales : 1° la psychologie animale ; 2° la psychologie morbide ; 3° la psychologie physiologique. Or dans la psychologie proprement dite, il n’y a pas place pour un exposé complet des facultés animales, encore moins pour une théorie complète de la folie et moins encore pour une physiologie de la pensée. Les diverses parties de la psychologie objective ont donc intérêt à être étudiées pour elles-mêmes et, par conséquent, la psychologie subjective en doit rester distincte.

Il est inutile d’ajouter que la distinction théorique des deux psychologies sur laquelle nous avons tant insisté n’entraîne nullement dans la pratique une séparation absolue. C’est la division du travail scientifique qui a amené la division des sciences. C’est là un besoin de l’esprit qui ne peut pas voir bien toutes choses à la fois et qui est obligé de distinguer pour préciser ; mais les intérêts de