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clergé de France, avait soutenu dans un éloquent mémoire le droit sacré de propriété de l’Église, qui, en 1790, demandait à l’Assemblée constituante que les biens du clergé fussent déclarés biens nationaux, et Mirabeau. Ce dernier, doué d’un sens politique supérieur, avait discerné tout de suite la portée du mouvement révolutionnaire. Il sentait que des nécessités inéluctables s’imposaient, que pour sauver le trône de l’incendie qui menaçait de l’atteindre, il fallait faire au feu de larges sacrifices. Il avait renoncé pour lui-même aux privilèges qu’il tenait de sa naissance, il estimait que les autres privilégiés devaient montrer le même détachement. Les tournois oratoires de Mirabeau et de Maury sont peut-être ce que l’éloquence parlementaire offre de plus dramatique et de plus beau. Ces deux hommes, presque du même pays, également fougueux, également rudes et ardens, — deux taureaux, disait Sainte-Beuve, — également dénués de ces scrupules de conscience qui modèrent certains élans de la pensée, avaient un art incomparable pour soulever les passions. Ils se lançaient des sarcasmes, ils se cinglaient avec de cruelles invectives ; mais j’imagine qu’au fond ils se savaient quelque gré l’un à l’autre des succès qu’ils se valaient. Et quand Mirabeau tomba malade, Maury alla le visiter dans la chambre où il se mourait.

Les autres grands débats auxquels Maury prit part sont ceux qui s’élevèrent sur la constitution civile du clergé et sur l’affaire d’Avignon. On devine quelle fut, dans les deux cas, son attitude. Dans la première question, Louis XVI, que les violences choquaient et effrayaient, lui recommandait la prudence, tout en lui reconnaissant le courage des Ambroise et l’éloquence des Chrysostome. Dans l’affaire d’Avignon, se souvenant qu’il était né en terre papale, Maury soutint énergiquement les droits du saint-siège. Mais c’est en vain qu’il déployait sa magnifique éloquence. Les causes qu’il défendait étaient d’avance perdues. Et l’acharnement qu’il apportait à soutenir un passé condamné par la majorité du pays comme par celle de l’assemblée rendait sa situation difficile et même dangereuse. Des pamphlets abominables commencèrent à circuler, en 1790, contre sa vie privée. Ce devint un déchaînement de basses injures dans la presse périodique et dans de petites brochures de circonstance. Dans quelle mesure ces prétendues révélations étaient-elles fondées ? Il est difficile de le dire. Certes on ne saurait trop se défier de ces vagues accusations, que l’on répète comme on les a entendues et que nul ne saurait prouver. Mais, chez Maury, il faut bien le reconnaître, une extrême liberté de propos, choquante surtout chez un prêtre, même au siècle des Prévost et des Voisenon, accréditait les mauvais bruits