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et où les esprits faits pour travailler à la vérité sont heureux de se rencontrer et de s’entendre.

Les travaux du Panthéon se poursuivent et plusieurs faits de détail apparaissent sans qu’on puisse en tirer encore de conclusions certaines. Après avoir reconnu que la Rotonde était postérieure au portique, une idée se présentait naturellement à l’esprit : c’est que s’il restait d’autres vestiges du temple élevé par Agrippa, on devait les rencontrer sous le sol actuel du Panthéon. Pour s’en assurer, une excavation a été pratiquée, sous une dalle désignée par M. Chedanne comme étant dans la direction présumée du mur de la cella primitive, et on y a trouvé, à côté de blocs de tuf laissés en désordre, un pavage antique de marbre encore en place à plusieurs endroits. Au-dessous s’étend une aire de béton et plus bas une nappe d’eau. Des sondages opérés extérieurement et dans le voisinage du laconicum ont fait voir la même aire bétonnée et la même couche d’eau. Celle-ci donnant partout à sa surface un niveau constant, on a établi sans peine la profondeur relative des différens sols existans et mis au jour par la fouille. Ainsi le pavé de marbre retrouvé à l’intérieur est à 2m,13 en contrebas du vestibule, et s’il en est ainsi, comment communiquait-on du portique aux autres parties du temple ? Sans pousser plus loin, on voit que, dans l’état présent des choses, il est difficile d’émettre une opinion.

Néanmoins, quels que soient les faits inattendus que les fouilles doivent nous révéler, la part de découvertes qui revient à M. Chedanne est assez importante pour qu’on ne tarde pas davantage à la faire connaître. Quant aux conséquences, après ce qui vient d’être rapporté, il faut renoncer à beaucoup d’idées reçues et la science elle-même est changée sur plus d’un point. Si l’on reconnaît aujourd’hui que l’édifice circulaire est d’Adrien, plusieurs des questions qui ont le plus occupé les savans deviennent moins difficiles à résoudre. D’abord, je le redis, il ne faut plus attribuer la rotonde au temps de la république. Aussi bien, était-il difficile d’admettre que l’architecture romaine eût, en quelque sorte, débuté par cette œuvre sans précédent, par une construction aussi considérable et aussi belle sans qu’il en eût été fait mention. Aujourd’hui, on comprendra mieux qu’après maintes entreprises qui introduisirent à Rome les formes de l’architecture orientale et sous un empereur architecte et éclectique comme Adrien, le Panthéon ait été exécuté avec la perfection où nous le voyons. D’ailleurs, on le croit encore, c’est de l’Asie et non de l’Italie, c’est de la Mésopotamie qu’est venu l’art de faire des massifs de briques et de matériaux comprimés et de les revêtir de paremens de marbre, ou d’albâtre