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d’Adrien et malgré l’inscription dont il a été parlé plus haut, peut-on la considérer comme ayant reproduit avec une rigoureuse exactitude le temple bâti ou consacré par Agrippa ?

Mais je discute, j’émets des suppositions et des doutes, et je n’ai point qualité pour cela. Qu’on m’excuse. Tout ce que je puis dire, c’est que les découvertes de M. Chedanne me semblent simplifier la tâche des archéologues et leur enlever un grand souci : celui de faire cadrer les indications fournies par Pline avec la réalité présente, celui de faire entrer dans un édifice postérieur en date ce qui appartenait à un édifice plus ancien.

Ce que le travail dont nous nous occupons a aussi de particulier, c’est que l’autour y est parti de l’étude de la construction. Il n’a pas été ébloui par les beautés de son modèle au point de n’en voir le complément que dans sa propre imagination. Il a voulu en connaître la raison profonde. Il n’a pas eu la prétention d’interpréter les textes : cet art n’est pas le sien. Il se borne à déchiffrer les débris du passé et à interpréter les formes archi tectoniques, ce qui constitue une épigraphie et une philologie spéciales. Maintenant que les marques empreintes sur les matériaux ont fourni leur témoignage, il continue son œuvre technique en recherchant dans les substructions les vestiges des fondations anciennes et la condition statique des constructions actuelles. Ensuite, il achèvera son œuvre en poursuivant ses investigations jusqu’au sommet de la coupole. Plus tard, et seulement lorsqu’il en aura bien reconnu et pénétré l’organisme intime, il revêtira l’édifice de ses ornemens.

La méthode est rationnelle, et, à ce propos, je veux appeler l’attention sur cette disposition d’esprit du jeune architecte. Ce n’est pas l’opinion généralement reçue que les élèves de l’École des Beaux-Arts et particulièrement ceux qui obtiennent le prix de Rome aient une grande prédilection pour l’étude de la construction. A entendre les détracteurs de l’institution, ce qu’on peut attendre de nos pensionnaires, ce sont surtout de belles aquarelles. Mais ils ne se bornent pas à cela et les personnes prévenues contre eux ne suivent pas d’assez près ce qui se fait rue Bonaparte. Depuis vingt-cinq ans, l’enseignement de la construction y a pris une place considérable : il embrasse au moins deux années. Après que les voies lui eurent été préparées par le vénérable M. Jay et qu’il eut été déjà développé par le baron Elphège Baude, il a été porté très haut par un artiste de premier ordre, Emmanuel Brune. Élève distingué de l’École polytechnique et, bientôt après qu’il en fut sorti, grand prix d’architecture, Brune, quand il fut appelé à professer à l’École des Beaux-Arts, déploya dans son cours la double intelligence et la double autorité de l’ingénieur et de l’architecte. Sa mort récente et prématurée a laissé un grand vide. Mais son successeur