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jurisprudence du parlement de Paris, le porteur ne pouvait donner au tiré que dix jours de répit après l’échéance, faute de quoi les lettres de change demeuraient « aux risques et fortunes » des endosseurs. C’est le commerce lui-même, banquiers et gros marchands de la capitale, qui, dans une assemblée plénière, avait dicté aux magistrats les termes de ce règlement. C’est aussi ce que nous nommerions aujourd’hui la « haute banque » qui, dans l’intérêt du crédit, fit renoncer l’État à sa prétention de contrôler les titres des lettres de change — « la rigueur des formalités ne devant pas être si exacte en telles sortes de pactions ; » — c’est elle qui tempérait l’ardeur de répression dont le pouvoir public était saisi, tous les vingt ou trente ans, contre les traitans qui le volaient.

Prenant un pavé pour tuer une mouche, le ministère défendait aux banquiers de délivrer à qui que ce fût des lettres de change, sans permission de la chambre des comptes, et surtout d’en délivrer aucune en blanc. Il espérait ainsi empêcher ceux à qui il prétendait faire rendre gorge, de transporter leurs biens à l’étranger ; en attendant, il paralysait toutes les affaires, comme un préfet de police qui suspendrait la marche des chemins de fer pour arrêter un malfaiteur.

En ce qui concerne les lettres de change délivrées en blanc, espèce de billets au porteur, le tiers-état avait demandé leur interdiction légale, afin d’atteindre l’usure qui se faisait, paraît-il, sous le couvert d’un change fictif. Ce dernier rapportait jusqu’à 28 pour 100 par an ; mais, dit un mémoire du temps, beaucoup de gens qui se livraient à ce négoce perdaient leur capital. Il en est de même aujourd’hui, pour ce genre de marchés à la grosse aventure, compliqués de risques spéciaux, et qui ne rentrent pas dans les conditions des prêts ordinaires. Le taux de 7 pour 100, pour trois mois, qui leur était appliqué, ne paraît pas lui-même exorbitant, lorsqu’on voit les banquiers, sous Louis XIV, exiger couramment 3 pour 100 de commission pour escompter une traite à vue, quel qu’en soit le montant, de Paris sur le centre de la France.

Outre les avantages attachés au rôle exceptionnel qu’il jouait dans le commerce de l’argent à l’intérieur du pays, Lyon était le centre de nos relations avec l’Italie. Pour l’Orient, on avait correspondance à Marseille ou à Smyrne, et pour tout le reste de l’Europe à Amsterdam ou Anvers. Il n’y avait que l’Angleterre avec qui’ la plupart de nos banquiers traitassent directement. Nous étions bien en arrière, sous le rapport des institutions de crédit, de nos voisins du Sud et du Nord.

Tout le monde connaît la « brillante histoire de ces banques de