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prématurés ou sans issue en demandant à la chambre de nommer une commission extraordinaire de vingt membres qui serait chargée de concentrer le travail, d’examiner toutes les propositions qui pourraient se produire, d’écouter tout le monde, et de préparer un projet définitif. Ce n’est pas, si l’on veut, de la part du gouvernement, un acte de brillante initiative ; c’est peut-être un acte de prudence. L’avantage de la commission est de ne rien brusquer, de gagner du temps, et de favoriser les transactions sans lesquelles rien n’est possible. Réussira-t-on, avec ces précautions et ces tactiques, à aller jusqu’au bout ? C’est une autre affaire. Ce ne sera pas, dans tous les cas, au courant de cette première session ; tout paraît devoir être renvoyé à une session d’hiver ; on aura eu le temps de réfléchir !

Jusqu’ici, en réalité, on n’en est qu’à une question de procédure parlementaire. On n’a parlé sérieusement ni du referendum, ni du suffrage universel. Il est cependant assez clair qu’on ne s’entendra pas aisément. Il n’y a que quelques jours, M. Frere Orban, une fois de plus, se prononçait nettement contre le suffrage universel sans conditions, sans limites, et M. Paul Janson s’écriait que le pays ne retrouverait le calme que si on lui donnait le suffrage universel, que, jusque-là, l’agitation se perpétuerait : — « Eh bien ! répliquait vertement M. Frere-Orban, nous ferons taire la menace, nous ne nous laisserons pas intimider. Et chacun fera son devoir ! » — Ce n’est, à la vérité, qu’une escarmouche ; elle suffit néanmoins pour laisser pressentir la vivacité des discussions le jour où la sérieuse bataille sera engagée, où le sort de cette révision belge se décidera définitivement.

Depuis quelque temps, déjà, rien ne venait de la région des Balkans et du Danube distraire l’attention de l’Europe. On parlait à peine de la Serbie, dont la situation n’est pourtant pas brillante. On parlait tout au plus un peu des voyages matrimoniaux du jeune prince héritier de Roumanie, d’un projet d’alliance qui parait devoir rattacher le jeune royaume danubien à une des grandes familles régnantes. On se taisait à peu près sur la Bulgarie et son dictateur, — dictateur réel sous le nom du prince Ferdinand de Cobourg, — lorsque M. Stamboulof a cru nécessaire sans doute de faire encore une fois parler de lui. Il n’y réussit guère que par des fantaisies diplomatiques qui ne sont pas toujours sans péril ou par des procès qui dévoilent le triste régime auquel la petite principauté est soumise. C’est donc un nouveau procès qui vient de se dérouler en cour martiale, à Sofia, et qui s’est dénoué naturellement par une série de condamnations. L’objet primitif de ces récens débats judiciaires de Bulgarie est le meurtre commis l’an dernier contre M. Beltchef, victime innocente d’une méprise des assassins qui, à dire toute la vérité, frappaient le jeune ministre des finances en croyant frapper M. Stamboulof lui-même. S’il ne