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la justice administrative et les premiers linéamens, bien confus encore, de ce qui sera un jour le conseil d’État.

On l’appelait « la cour du roi, » et cette « cour » était composée de seigneurs, de prélats, d’officiers de « l’hostel, » — chancelier, connétable, sénéchal, bouteiller, chambellan, — que l’on désignait, dans le latin des vieilles chartes, sous la rubrique : Ministeriales hospitii domini regis ; enfin, et de plus en plus, de ces légistes dévoués au souverain, sectaires du droit écrit, théoriciens, à la façon romaine, de la prérogative monarchique, infatigables artisans de l’unité française, qui allaient miner par leur travail patient et subtil de termites l’édifice chancelant de la féodalité. Tel était, j’imagine, ce Pierre de Chalon, clerc de Philippe le Bel, qui, en récompense de ses bons services, reçut le titre alors tout nouveau de M conseiller du roi en son conseil. » Voilà l’ancêtre du conseiller d’État de l’ancienne monarchie, de celui pour qui Ph. de Béthune, en 1645, écrira le manuel du Conseiller d’État. Mais déjà nous apercevons assez nettement un autre personnage aux traits mieux définis ; c’est le « maistre des requestes de l’hostel. »

Cette qualification est une des plus anciennes, la plus ancienne peut-être de France. Le sire de Joinville, l’ami de saint Louis, était maître des requêtes, et l’on a conservé les « généalogies, » depuis l’an 1286, de ces magistrats que L’Escalopier, dans ses Recherches sur l’origine du conseil du roi, exaltant l’antiquité de leurs prérogatives, appelait « les plus anciens commensaux de la cour. » Primitivement, leurs attributions furent presque exclusivement juridiques. Je les définirais les hommes de confiance du prince rendant la justice. Ils étaient deux, un laïque et un prêtre, qui le suivaient dans ses déplacemens. Ils se tenaient « à l’huis » de son « hostel » (d’où apparemment leur dénomination de « juges des plaids de la porte) » et, en cette qualité, recevaient toutes les requêtes ou suppliques adressées au souverain, les examinaient et lui en rendaient compte en son conseil, ou statuaient eux-mêmes ; car, de tout temps, les maîtres des requêtes, et cela jusqu’en 1789, exerçaient seuls, pour certaines affaires, un pouvoir propre de juridiction. Cependant, vers le XVIe siècle, leur rôle se modifie. Désormais ils auront un double caractère ; ils seront tour à tour, sinon tout ensemble, magistrats sédentaires et administrateurs militans. Et, tandis que les uns demeurent près du roi, rapporteurs et juges de sa « justice retenue, » les autres visitent les provinces, comme les missi dominici de Charlemagne et les enquesteurs de saint Louis : ministres et représentans de la toute-puissance royale, marchant droit sur les parlemens, qui frémissent et se cabrent, et dont ils matent l’insolence. Puis, avec Richelieu, ces missions temporaires deviennent permanentes. Les maîtres des requêtes se fixent dans