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parens du souverain, habitent l’été dans les jardins environnant la ville. Entrons dans une de ces villas.

C’est celle d’un oncle du khan. Lorsque nous pénétrons en sa demeure, il est au palais. Son fils, jeune homme de dix-huit ans, fait les honneurs du logis. Une grande porte conduit dans une cour rectangulaire garnie de bâtimens bas. Quelques grands arbres, un bassin d’eau, répandent un peu de fraîcheur. On offre le thé. Il est drôle, ce jeune Khivien, il s’amuse de tout, des cigarettes, d’une pipe, de la montre, de papiers écrits en langue indigène que je lui fais lire et qu’il déchiffre avec peine. Puis il me conduit au jardin plein d’arbres fruitiers de toutes sortes. C’est la saison des abricots et des melons, il faut en manger et même beaucoup. Et au milieu de ce jardin, ce sont des pavillons entourés de vieux arbres, pavillons disposés pour y passer, l’été, les heures chaudes du jour, pavillons aux murs légers, aux petites chambres proprettes, ornés de moulures en plâtre et garnis de larges auvens soutenus par de belles colonnes sculptées en bois. Assis tranquillement sur de riches tapis, à l’ombre de ces constructions légères, sont des familiers de la maison, parens ou amis. Un domestique leur présente à tour de rôle la pipe, le tchilim, dont ils tirent quelques lentes bouffées, ils boivent le thé dans des tasses vertes en porcelaine légère venant de Chine. Un bassin d’eau rafraîchit l’air sec. Calmes, tranquilles, immobiles, dans leurs poses assises, ils font bien avec leur robe aux couleurs éclatantes dans ce paysage verdoyant, plein de lumière.

La domesticité, chez les grands, ne se différencie de la condition des familiers de la maison que par le rôle et les fonctions qu’ils remplissent auprès du maître. L’esclavage a été aboli, mais un texte de 1873, imposé par les circonstances extérieures, ne peut modifier les conditions intimes de la vie de famille. La plupart des gens de service des grands sont dans la demeure depuis leur jeunesse et y passent leur vie entière. A époque fixe, ils reçoivent des vêtemens, parfois un peu d’argent. Ils sont la chose du maître, et on ne saurait comparer leur situation à celle d’un domestique à gages.

Quant aux femmes, elles sont, comme dans tout le monde musulman, dans une situation inférieure. Toutefois le mari ne peut, de son plein gré, tuer sa femme qu’en cas d’adultère ; en ce cas, le mari peut tuer sa femme par divers procédés plus ou moins barbares. Il peut la mettre dans un sac et la rouer ou la faire rouer de coups jusqu’à ce que la mort s’ensuive. Un autre mode de supplice (qui était jadis employé aussi à Samarcande et au Ferghanah) consiste à enterrer la femme vivante jusqu’à la ceinture et à la tuer en lui jetant des pierres. Cette barbare cérémonie se