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que les fraudes se sont exercées. En faisant connaître les moyens pour échapper à ces fraudes, nous avons eu pour principal but de permettre l’acquisition, dans les conditions les plus favorables, des engrais phosphatés ; les mêmes moyens s’appliquent à la généralité des substances fertilisantes.

VI.

Le territoire de la France est particulièrement favorisé sous le rapport des phosphates, il en contient de nombreux gisemens répartis dans diverses formations géologiques. D’autres pays l’ont été moins. En raison de l’utilité des phosphates pour l’amélioration du sol, l’agriculture des pays où ce minerai est abondant se trouve dans une situation privilégiée, à la condition toutefois de tirer parti de cette matière fertilisante. Si en effet le phosphate des gisemens d’une région est exporté et quitte le territoire national, c’est, il est vrai, un avantage au point de vue commercial, mais c’est un grand préjudice pour l’agriculture indigène qui aurait elle-même pu employer ce produit. L’avantage résultant de l’exportation peut être considéré comme bien inférieur à celui qu’eût donné l’utilisation agricole. Le kilogramme d’acide phosphorique se vend à l’exportation environ 0 fr. 20, et employé en France, il eût pu produire un hectolitre de blé ou de seigle, un hectolitre et demi d’orge, etc. En nous plaçant uniquement au point de vue du territoire de la France, où l’acide phosphorique manque presque totalement surplus du cinquième de la surface, où il est en quantité insuffisante presque partout, nous devons voir avec regret exporter à vil prix un produit fertilisant de première nécessité, dont l’emploi deviendrait une cause de prospérité pour le pays tout entier. Cette exportation ne se justifierait que si le sol indigène était suffisamment pourvu de cet élément, ce qui est loin d’être le cas, ou que si l’on était assuré d’une réserve assez grande pour parer à l’appauvrissement du sol par les récoltes futures. En exportant l’acide phosphorique, nous sacrifions pour une faible compensation un des principaux élémens de la fertilité du sol.

Les gisemens existant en France sont à l’heure qu’il est l’objet d’exploitations actives ; malgré leur étendue et leur importance, on peut prévoir le moment où ils seront épuisés, et les agriculteurs éprouveront d’amers regrets d’avoir laissé enlever ainsi par l’étranger une si importante source de richesse. Avant qu’il ne soit trop tard, nous engageons vivement les cultivateurs à pourvoir leurs terres de phosphate ; cet élément n’est point sujet à des dé-