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ranch, de quelque 150,000 hectares où vivaient 15,000 têtes de bétail gardées par une vingtaine de cowboys. Le propriétaire était tout disposé à laisser déchaîner les cataractes célestes : le paillasson de la prairie appelait la pluie à grands cris, et les vaches ne savaient plus les délices de l’herbe fraîche, leur rêve comme chacun sait.

On s’installa donc, et le général Dyrenforth put se faire une idée exacte de la peine qu’a l’homme à subsister dans une localité aride, assez éloignée du chemin de fer pour rendre approvisionnemens et communications difficiles, battue par des vents violens et ininterrompus dont la vitesse dépasse 30 et 35 kilomètres par heure, et dont les puits ne fournissent qu’une eau alcaline, qu’on ne peut boire qu’après l’avoir neutralisée par un acide, et qui, même avec cette précaution, força presque tous les membres de l’expédition à gagner, à plusieurs reprises, l’infirmerie.

Ces désagrémens n’empêchèrent point les opérations. Le matériel consistait en 68 ballons de petites dimensions cubant de 500 à 1,000 pieds : c’étaient les ballons destinés à l’explosion. On y avait joint trois plus gros ballons qu’on devait employer pour des ascensions. Pour remplir les premiers, il avait fallu transporter 20,000 livres de rognures de fer et 16,000 livres d’acide sulfurique avec les appareils nécessaires pour obtenir, par le mélange du fer et de l’acide sulfurique, les quantités d’hydrogène nécessaires. Pour fabriquer l’oxygène, on avait emporté 2,500 livres de chlorate de potasse et 600 livres de bioxyde de manganèse, avec les cornues et les fourneaux nécessaires pour chauffer le mélange. On avait encore de quoi fabriquer 100 cerfs-volans en toile, et les produits nécessaires à la confection de quelques milliers de livres de poudre de mine et d’autres substances explosives. Le général Dyrenforth était mieux outillé que Moïse : cela ne fait point de doute. Mais aussi, l’opération était plus compliquée, et le rocher d’Horeb plus difficile à atteindre.

Pour arriver à ses fins, voici quel fut le plan du général : il disposa ses hommes et ses appareils selon trois lignes parallèles, longues de trois kilomètres chacune et séparées l’une de l’autre par une distance de près d’un kilomètre, une triple ligne de bataille. En première ligne, au vent, une série de batteries terrestres où de la dynamite et de la poudre de mine devaient faire explosion à intervalles rapprochés. La seconde ligne consistait en de grands cerfs-volans auxquels étaient suspendues des cartouches de dynamite, — cette panacée moderne, — lesquelles cartouches, reliées à la terre par un fil électrique, le fil du cerf-volant, devaient