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que les recherches se poursuivront, et que les numérations par le procédé de M. Aitken se multiplieront en des lieux différens, ou dans le même lieu, à des époques différentes, on arrivera à se faire quelque idée de la densité de l’océan de poussières où nous vivons.


III.

Nous voilà, semble-t-il, bien loin du général Dyrenforth et de sa pluie artificielle. Non pas ; il n’est point de travaux qui aient avec les expériences en question de plus grande affinité ; il n’en est point d’importance plus grande pour celles-ci, bien que le général américain ne s’en soit aucunement douté, et bien qu’il semble ignorer les travaux de M. Aitken.

Il est probable, en effet, d’après tout ce que l’on sait, que la vibration sonore imprimée à l’atmosphère par la détonation d’un explosif quelconque ne saurait être considérée comme une cause de pluie, comme une cause de condensation de vapeur d’eau, à supposer naturellement que l’atmosphère où se font les explosions renferme déjà une proportion suffisante de cette vapeur. Si donc il a plu, dans les expériences du Llano Estacado, il y a eu quelque autre cause en action, qui a échappé au général américain, et cette cause est peut-être l’abondance des poussières dégagées par les explosifs. Il a voulu faire du bruit, mais il a produit en même temps de la poussière, et cette poussière a été une des causes de la pluie, en fournissant à la vapeur d’eau atmosphérique des noyaux autour desquels celle-ci a pu se condenser, tandis qu’en lui-même le bruit n’a peut-être joué aucun rôle.

Est-ce dire que la présence de poussière soit suffisante, et que la pluie doive tomber chaque fois que l’air renferme une proportion donnée de parcelles en suspension ? En aucune façon. La formation de la pluie est encore un phénomène dont la théorie est beaucoup plus claire que la pratique, sans doute, et auquel il est évident que de nombreux facteurs participent, et faire la part des uns et des autres est souvent malaisé. On admet, généralement, que la pluie se forme par un processus analogue à la distillation. L’air, froid ou chaud, en contact avec les mers et le sol, qui n’est jamais absolument sec, absorbe une certaine quantité de vapeur d’eau qui varie selon la pression, la température, etc., et qui demeure invisible tant que la température ne s’abaisse pas. Si la température s’abaisse près de terre, ou si l’air chaud, en s’élevant