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plus d’un siècle. Son intendance, citée partout comme un modèle, était appelée à trancher toutes les questions sanitaires intéressant non-seulement la France, mais l’Europe entière. L’araisonnement des navires, leur purification, celle des marchandises et des passagers s’y accomplissaient avec un soin et une méthode qu’on ne rencontrait pas ailleurs ; aussi les administrations étrangères envoyaient elles souvent à Marseille leurs navires pestiférés ou suspects pour s’y faire purifier. Cette supériorité, reconnue par toutes les marines, avait créé, en faveur de ce port favorisé du reste par sa situation, un monopole commercial qui a puissamment contribué à son développement et à sa prospérité.

Les événemens politiques de la fin du XVIIIe siècle et la campagne d’Egypte, en particulier, augmentèrent encore l’importance de l’intendance sanitaire de Marseille. Toutes les autorités s’inclinaient alors devant elle et étaient tenues de la consulter. Il était défendu, sous les peines les plus sévères, aux corps municipaux et administratifs des différens ports de la Méditerranée, de s’immiscer dans ses actes et d’entraver ses opérations. Tous les hygiénistes de cette époque partageaient la confiance du gouvernement et du public. Foderé, entre autres, avait une admiration enthousiaste pour les règlemens quarantenaires adoptés par le bureau de Marseille. Ils étaient en effet l’expression la plus rationnelle de la prophylaxie, telle qu’on la comprenait alors, et il faut convenir qu’ils ont rendu des services, pendant les trois siècles au cours desquels ils ont été appliqués sans subir de changemens notables. C’est de nos jours seulement que les progrès de la civilisation et les conquêtes de l’hygiène ont permis d’en atténuer les rigueurs, d’en modifier les principes, et d’en simplifier les opérations.


II.

Il n’a été question jusqu’ici que de la peste, parce que c’est le seul fléau exotique que les siècles précédens aient eu à combattre, mais le nôtre a vu deux nouvelles maladies pestilentielles[1] apparaître sur la scène, la fièvre jaune et le choléra-morbus. La première a borné ses ravages aux contrées méridionales de l’Europe, mais le second l’a parcourue tout entière et s’y promène pour la sixième fois.

La fièvre jaune s’était déjà montrée en Espagne, pendant le cours du siècle précédent. Cadix avait reçu plusieurs fois sa visite ; mais elle s’était éteinte sur place et ses apparitions, quelque menaçantes

  1. En langage sanitaire, on désigne sous le nom de maladies pestilentielles la peste, la fièvre jaune et le choléra.