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Salisbury, fort de leur assentiment, invita le gouvernement français à prendre part à la conférence.

Des deux propositions qui devaient s’y discuter, l’une était en tout conforme à nos intérêts, c’était celle qui concernait la réorganisation du conseil d’Alexandrie. Depuis l’occupation de cette ville, il avait, comme nous l’avons dit, complètement perdu son caractère international au grand détriment de la sécurité de l’Europe. Il importait de le lui rendre et de le soustraire à la domination des Anglais.

La seconde proposition était pour nous inacceptable. Nous avions lutté à Rome contre les prétentions de l’Angleterre, en déclarant que nous ne reconnaissions pas sur les mers de pavillon privilégié, et que partout où passait un navire anglais, tous les navires du monde devaient passer comme lui. Or, il était impossible de laisser le choléra circuler librement sur tous les points de la Méditerranée, à bord des bâtimens de tous les pays riverains, et nous étions forcés de nous montrer intraitables sur ce point. Toutefois, les intérêts de la France en Égypte sont si grands, la question du canal de Suez est d’une telle importance pour nos relations avec la Cochinchine et le Tonkin, que le gouvernement français, sur l’avis de l’inspecteur-général des services sanitaires, consentit, en faisant ses réserves, à envoyer des délégués à la conférence de Venise.

Il s’y fit représenter par M. Barrère, ancien consul-général de France en Égypte, à qui ces questions sont très familières, par le docteur Brouardel, doyen de la Faculté de médecine de Paris, président du comité consultatif d’hygiène, et par le docteur Proust, inspecteur-général des services sanitaires. Le docteur Catelan, médecin sanitaire français à Alexandrie, leur fut adjoint dès le début de la conférence. Treize puissances y avaient envoyé des délégués[1].

La première réunion eut lieu le 5 janvier 1892, et, dès l’ouverture de la séance, les délégués français s’aperçurent que la majorité était acquise par avance aux propositions de l’Angleterre. Ils comprirent que, si l’on abordait tout d’abord la question litigieuse, comme le demandait le sous-secrétaire d’État du foreign office, M. Lowther, notre échec était certain. M. Barrère eut alors l’idée de proposer la transformation de la conférence en commission technique et fut assez habile pour faire agréer ce changement. Il offrit ensuite aux médecins présens de prendre la parole et, comme

  1. Angleterre, Autriche, Allemagne, France, Italie, Suède, Norvège, Danemark, Grèce, Turquie, Égypte, Belgique, Espagne, Portugal.