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la restauration, le pouvoir avait peur de l’ombre du conseil d’État impérial ; on cherchait à se passer de lui et on le laissait dans l’oubli le plus possible : sans que ce soit par le même motif, il en est à peu près de même depuis notre révolution de 1830[1]. » — L’auteur ajoutait : — « Il serait cependant utile qu’avant d’affronter la discussion publique, les projets de lois fussent passés au creuset d’un examen sérieux et approfondi, tel que celui du conseil d’État. Les hommes éclairés se plaignent de cette négligence, et les affaires publiques en souffrent. » — n’est-ce pas la même pensée, n’est-ce pas le même langage que nous retrouvons dans l’exposé des motifs qui est devenu la loi du 13 juillet 1879 ? — « Il est superflu, disait M. Le Royer dans cet exposé, il est superflu d’insister sur l’intérêt que présente l’intervention du conseil d’État dans l’élaboration des lois. Pour rédiger les textes, pour les coordonner avec les lois antérieures et les règles connexes, pour maintenir entre toutes les parties de la législation une certaine unité de vues et de tendances, il faut une étude plus calme et plus approfondie qu’on ne peut l’attendre des ministres absorbés par les travaux parlementaires… » — Revenons à la brochure de 1845 ; j’y rencontre cette phrase qui semble avoir été écrite hier : « Lorsque l’ordonnance du 18 septembre 1839 est venue rétablir au sein du conseil un comité de législation, on devait espérer que le gouvernement aurait plus souvent recours aux lumières du conseil d’État ; mais il a laissé le conseil à peu près dans le même oubli… »

Et pourtant il y a loin de la condition anormale et fausse où la section de législation a langui depuis douze ans, leurrée de promesses et vivant d’espérance, guettant les dossiers et regardant passer les affaires des sections voisines, à la situation bien autrement nette et, en somme, fort acceptable, que les rédacteurs de l’ordonnance du 18 septembre 1839 avaient eu la précaution de lui assurer. L’ancien comité, à défaut de lois, avait du moins sa part amplement suffisante d’affaires administratives et même contentieuses. Non-seulement il avait dès lors ce qui forme aujourd’hui le misérable lot de la section rétablie en 1879, mais ses attributions bien plus étendues comprenaient plusieurs catégories de travaux que la même section n’a plus dans son domaine, et qui étaient considérables soit par le nombre des dossiers, soit par l’importance des questions et des intérêts. Il suffit de lire (article 17 de l’ordonnance) la nomenclature détaillée des attributions que l’on réservait au comité nouveau.

On lui confiait d’abord une tâche très vaste, trop vaste peut-être

  1. Du Conseil d’État, de son organisation, de son autorité, de ses attributions, par Alphonse de Pistoye, ancien avocat à la cour royale de Paris.