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pas simplement une disposition : la loi, sachez-le bien, n’aura rien fait si elle se borne à indiquer que le conseil d’État pourra être consulté. Il est nécessaire qu’elle oblige, qu’elle ordonne, et dise expressément qu’il devra être consulté. Remarquez que le législateur a procédé ainsi toutes les fois qu’il a eu sérieusement, sincèrement, la volonté de faire intervenir le conseil dans la préparation des lois. Témoin l’article 75 de la constitution de 1848, qui exigeait que ce corps fût saisi des projets du gouvernement (à l’exception de certaines catégories, désignées plus tard dans la loi du 3 mars 1849). M. Ricard rappelle le système que la seconde république avait institué, et les effets utiles que, dans sa courte application, il avait produits. Mais M. Ricard ne va pas aussi loin. Il ne réclame l’intervention du conseil que partiellement, pour cette classe déterminée de projets ou de propositions qui touchent à la législation civile, commerciale et criminelle, ou à l’organisation et à la compétence des juridictions. Et même alors il ne demande pas que le renvoi soit obligatoire. Voici sa combinaison, qui est curieuse et nouvelle. Après l’adoption par l’une des deux chambres d’un projet se rattachant à cette catégorie de lois, et avant de le transmettre à l’autre assemblée, ladite chambre devra décider par un vote spécial s’il y a lieu de saisir le conseil d’État. On le voit, le parlement reste en tout cas maître de sa décision. Seulement, il a l’obligation de statuer, — dans tel sens qu’il voudra, soit ! mais enfin de statuer. Il y a là une formalité, tout au moins, dont il ne lui est pas permis de s’affranchir ; et cette sorte de mise en demeure légale, cette invitation ou cet appel qui retentirait, comme un avertisseur automatique, à heure fixe, lui paraît être, faute de mieux, et par rapport au régime existant, un progrès.

M. Ricard aborde ensuite l’autre question, celle du contentieux. Comment remédier au mal dont le contentieux souffre ? Comment empêcher que les affaires s’y attardent et s’y accumulent ? Comment rétablir la proportion entre l’instrument juridictionnel et l’œuvre qu’il doit accomplir ? Il semble en vérité qu’il n’y ait que deux moyens : ou décharger d’une moitié de son écrasant fardeau l’appareil, qui, dès lors, reprendra de lui-même son élasticité normale et son libre jeu, ou doubler ses organes et, par suite, sa puissance de fonctionnement. Or, ce second moyen nous échappe, dès l’instant que la section de législation est maintenue dans l’attribution qui est sa raison d’être, et qu’on la destine à recevoir un courant d’affaires régulier : comment serait-elle disponible pour la besogne contentieuse ? Quant à créer de toutes pièces une sixième section, en augmentant dans une mesure notable le personnel du conseil d’État, il serait téméraire de le demander aux chambres. Reste le premier moyen : alléger et simplifier la juridiction. C’est